La tragédie du prince Zidan : Le choc des cultures façon Opéra de Pékin
Scène

La tragédie du prince Zidan : Le choc des cultures façon Opéra de Pékin

Dans le cadre de la série Spectaculairement Chine à la Place-des-Arts, La tragédie du Prince Zidan, une version orientalisée du classique de Shakespeare Hamlet, a surpris le public montréalais hier soir au Théâtre Maisonneuve de la Place des arts.

L’opéra de Pékin, un type de spectacle considéré comme un trésor en Chine et qui a été inscrit au patrimoine immatériel de l’humanité par l’Unesco en 2010, est peu connu ici, et encore moins présenté publiquement. Cette rareté a donc amené des habitués de la Place des Arts, des curieux, des dignitaires et, bien sûr, un certain nombre de Montréalais d’origine chinoise à emplir le Théâtre Maisonneuve pour une unique représentation de La tragédie du Prince Zidan, inspirée d’un Hamlet shakespearien que nous connaissons mieux.

Attention, toutefois, il vaut mieux oublier l’ensemble de nos acquis culturels en matière théâtrale lorsqu’on assiste à de l’opéra de Chine. Et idéalement, se renseigner un peu sur cette forme artistique auparavant, car on risque de trouver le temps un brin long. Effectivement, une pièce de l’opéra de Pékin est régie par des codes très stricts, des codes qui nous sont totalement inconnus et qui peuvent nous décontenancer. Cela a d’ailleurs été le cas à plusieurs reprises tout au long du spectacle, alors que des applaudissements couronnaient maladroitement de ci de là une jambe en l’air, une cabriole ou la sortie de scène de certains personnages.

La tragédie du Prince Zidan est pourtant considérée comme une forme « accessible » de l’opéra de Pékin, la trame narrative étant celle de Hamlet qui, rappelons-le, cherche à venger son père le roi, assassiné par son frère et trompé par son épouse, tout en étant lui-même pris au piège de la passion avec la fille du conseiller du roi. Mais la ressemblance s’arrête là, puisque tout le reste, de l’interprétation à l’esthétique, en passant par l’environnement sonore, est directement en lien avec la culture traditionnelle chinoise.

Le décor, relativement dépouillé, ainsi que les musiciens, à peine visibles d’un côté de la scène, sont volontairement effacés pour que les vraies vedettes du spectacle, à savoir les chanteurs, comédiens et danseurs, puissent occuper tout l’espace. Ceux-ci sont parés de costumes, de maquillages et de masques flamboyants dont les couleurs et motifs sont choisis en fonction du rang, du métier, du genre et même du caractère des personnages; des éléments qui échappent bien sûr à notre connaissance. Les artistes alternent théâtre, danse, chant et arts martiaux. Leur gestuelle et leurs mimiques, extrêmement calculées et élégantes, suivent le rythme des musiciens, principalement des percussionnistes, qui marquent les changements de rythme de la pièce, les entrées et sorties de scène, les émotions des personnages, en plus d’accompagner les nombreux chants. Des chants qui ont eu aussi leurs particularités, puisqu’il s’agit d’un savant mélange de chant de gorge et de bouche dont les sonorités plus ou moins mélodieuses, notamment dans les aigus, peuvent nous paraître désagréables.

Tout est en fait mis en œuvre pour que l’esthétique prime, chaque geste, chaque regard, chaque élément scénographique ayant sa signification symbolique. Peut-être au dépend du rythme, diraient les Occidentaux que nous sommes. Mais pouvons-nous vraiment juger une forme artistique que nous connaissons si mal? Reste le dépaysement qui, lui, est total, et c’est ce que nous retiendrons de cette expérience.