Milieu de nulle part, de Jean-Sébastien Lourdais : Se tenir enfin debout
Scène

Milieu de nulle part, de Jean-Sébastien Lourdais : Se tenir enfin debout

Hypnotique, le minimaliste spectacle Milieu de nulle part, de Jean-Sébastien Lourdais, offre à l’œil des corps fascinants qui se métamorphosent en apprivoisant d’étonnantes tensions musculaires.

C’est un spectacle pour sept interprètes, mais ils ne se croiseront que discrètement, dans de subtils chassés-croisés en arrière-plan d’un mouvement principal exécuté en solo. On y ressent puissamment l’intimité, l’évident travail de proximité entre le chorégraphe et ses danseurs, ce qui place d’emblée le spectateur dans une disposition particulière, dans un état doucereux et dans une position privilégiée. Ils se nomment Frédéric Gagnon, Sophie Corriveau, Caroline Gravel, Catherine Lalonde, Linda Rabin, Catherine Tardif et Anne Thériault. Ils sont de générations différentes, ont tous des corps singuliers et, seuls ensembles, ils créent un spectacle fluide et hypnotique, nous plaçant dans un état d’éblouissement.

Le chorégraphe dit vouloir travailler sur la métamorphose, la transformation, le passage d’un état à un autre, l’entre-deux. L’œil de l’homme de théâtre y a perçu une certaine narrativité, y voyant des corps quittant l’atrophie ou se délestant d’une douleur vive pour réapprivoiser leur espace. Comme des corps se réveillant après un immobilisme forcé, ils redécouvrent la portée de leurs muscles et l’espace dans lequel ils sont appelés à se mouvoir et à évoluer. Comme si le corps se redécouvrait, à travers un certain étonnement. Il faut dire qu’un indice scénographique encourage cette lecture de l’œuvre. Doucement, au fil de la représentation, un sac contenant des fluides (comme ceux utilisés à l’hôpital pour les dialyse péritonéale)  surplombe la scène et se déplace dans un subtil et lent mouvement.

À travail un travail de souffle, puis de délicats ondoiements ou de tensions entre l’horizontalité et la verticalité, le mouvement semble toujours introspectif, profondément ancré dans l’intériorité du corps, dans une grande immanence. Les danseurs obéissent à une nécessité d’écoute profonde de leurs propres corps, de leurs muscles au travail et des tensions qui les traversent longitudinalement.

Le corps, toujours tendu mais dont l’observation est paradoxalement apaisante, cherche à s’arracher du sol ou à grimper vers les cieux, oscillant entre la verticalité et la gestuelle arrondie, aquatique – dans une recherche de stabilité, dans une lutte contre la gravité,  contre la pression atmosphérique.

À la fin, ils se tiendront tous enfin debout.

Un spectacle que certains jugeront aride mais dont le pouvoir de fascination n’échappera à personne.