Moving in this world : Un monde infini
Scène

Moving in this world : Un monde infini

Depuis toujours intéressée par les mondes parallèles et les réalités invisibles, Marie Brassard choisit un nouvel angle d’attaque dans Moving in this world, une chorégraphie dansée par Sarah Williams et flirtant avec les états-limite de l’intoxication et de la conscience altérée.

Drogué ou placé en état de transe spirituelle, le corps se déleste d’un poids, s’engourdit ou s’agite de manière déréalisée, inconscient du regard porté sur lui. Ce sont ces états de corps que Marie Brassard et Sarah Williams ont cherché à ausculter dans Moving in this world, un spectacle au parfum psychédélique un brin suranné, qui compose des tableaux vivants à partir d’une gestuelle atypique et d’un environnement sonore et visuel technoïde.

Traits lumineux, portes et corridors infinis, cubes virtuels déplacés et agrandis par un simple geste de la main, barres horizontales glissant de haut en bas de la scène dans un mouvement régulier: les états de transe se vivent ici dans une vision géométrique du monde, à travers un parcours de lignes et de lumières qui se rencontrent et se juxtaposent ou se surimpriment comme autant de chemins probables dans un espace mental ouvert au maximum. Il y a évidemment dans ce travail vidéographique de Sabrina Ratté l’évocation d’un monde infini qui se poursuit dans des lignes d’horizon jamais abouties, comme la mise en place d’un espace d’exploration aux frontières intangibles. Mais paradoxalement, cet espace se rétrécit constamment à l’intérieur des zones très droites qu’il aménage et recompose constamment, ce qui rappelle un peu l’idée d’emprisonnement, de cadres contraignants ou de structures carrées que, visiblement, la danseuse cherche à  fuir ou à transcender en l’explorant par des mouvements amples, comme dans un état de perpétuelle recherche. C’est d’une grande clarté mais c’est aussi un peu simpliste. Dans la répétition, cet univers ne se complexifie que rarement et épuise rapidement son potentiel et sa signification.

Jumelé à une musique techno à la fois planante et brutale (Jackie Gallant), cette esthétique arrive tout de même par moments à créer un réel effet hypnotique et à installer une sensorialité particulière. C’est visiblement l’objectif recherché: créer une atmosphère propice à transformer l’état de réception du spectateur, pour lui faire vivre par procuration une partie dela transe. Pourque cet effet planant agisse davantage, il aurait sans doute fallu complexifier le parcours visuel.

Mis en dialogue avec l’oeuvre récente de Marie Brassard, notamment les pièces Invisible et Moi qui me parle à moi-même dans le futur, le spectacle gagne en complexité: il semble en effet chercher à répondre aux mêmes questions identitaires (qui suis-je dans un monde changeant et insaisissable?) en prenant un nouveau chemin. L’inclassable créatrice a surtout trouvé ici de nouveaux collaborateurs dont le travail se mêle assez organiquement au sien.