Dans le bois / Premier Acte : Huis clos à ciel ouvert
Scène

Dans le bois / Premier Acte : Huis clos à ciel ouvert

Deux jeunes hommes s’isolent dans la nature afin de reconstruire leur vision de l’amour à l’abri des regards. Ironiquement, c’est sous les yeux du public que se tisse la tension entre les deux protagonistes, à force de mots couverts, de sous-entendus et de silences chargés d’émotions. 

Ce scénario, imaginé par David Mamet en 1977, avait d’abord été écrit pour une relation entre un homme et une femme. Il y a deux ans, le texte est passé entre les mains de Danielle Le Saux-Farmer, d’André Robillard et de Karine Mecteau Bouchard, qui décident de monter la pièce, non sans l’adapter à une réalité correspondant davantage au paysage social actuel.

Le processus de travail derrière la mise en scène de Dans le bois a toutefois été marqué par une rencontre très importante, provoquée par la recherche d’une traduction francophone des mots de Mamet. «Il existait une traduction manuscrite, cachée dans le fond d’un placard, même pas publiée», explique avec enthousiasme Danielle Le Saux-Farmer, metteure en scène du projet. «Après deux semaines de recherches, on a fini par trouver Rose-Marie Belisle. C’est elle qui a eu le mandat de traduire la pièce dans les années 1980, pour une compagnie de Montréal», indique André Robillard. «Elle nous a expliqué plein de choses sur le texte […], sur les images utilisées par l’auteur et les liens avec la psychanalyse, par exemple. Ça l’habite, ce texte-là. Elle le connaît comme si elle l’avait traduit hier.»

Invitée à lire l’adaptation de la pièce pour deux personnages masculins, la colorée traductrice a donné sa bénédiction au collectif. «Ça enrichit le texte de l’avoir adapté, affirme la metteure en scène. Je ne sais pas si je le monterais avec un gars et une fille. […] Le mystère est plus grand dans un rapport d’égalité entre deux hommes.» Cette nouvelle perspective, en plus d’ajouter une importante couche de signification, pose aussi la question de l’hétéronormativité en société et de la nécessité pour le couple homosexuel de se refaire un monde, de revisiter cette norme.

Malgré tout, le sujet est universel: la pièce expose une relation entre deux êtres humains, qui décident de faire table rase pour recommencer à zéro et redéfinir leur idée de l’amour, avec les heurts que cela implique. Il s’agit d’un véritable défi pour les deux acteurs portant la pièce à bout de bras, André Robillard et Jean-Denis Beaudoin, qui jonglent avec des non-dits, des paraboles et des métaphores au cours des 75 minutes du spectacle.

Le public, quant à lui, est quelque part entre ces phrases, à deviner ce qui ne se dit pas. Positionnés autour de l’espace scénique, les spectateurs seront à l’intérieur de la tension, à suggérer le huis clos par leurs présences, bien qu’il s’agisse d’un huis clos à ciel ouvert. «La nature, c’est le troisième personnage. Il y a une étrangeté dans cette nature qui les oppresse, mais qui leur sert aussi de fuite dans le dialogue», exprime Le Saux-Farmer. «Ils essaient de s’échapper, mais ils en reviendront toujours à eux deux.»

 

Dans le bois

Jusqu’au 4 octobre

Premier Acte