Cuisine et confessions : De la bouffe et des souvenirs
Scène

Cuisine et confessions : De la bouffe et des souvenirs

Fidèles à eux-mêmes, les 7 Doigts de la main mêlent une théâtralité artificielle et sentimentale à une suite de numéros circassiens singuliers dans leur nouveau spectacle, Cuisine et confessions.

On apprenait lors de la campagne promotionnelle de Cuisine et confessions, que les metteurs en scène Sébastien Soldevilla et Shana Caroll (fondateurs bien connus des 7 doigts de la main) sont des gastronomes assumés. Après avoir exploré la cohabitation (Loft) ou le mal-être (Psy), c’est la donc la bouffe qui sert de prétexte à quelques acrobaties dans ce nouveau spectacle dont la formule calque celle des précédents et mise sur la même ambiance vitaminée. Le souvenir du repas d’enfance, le repas rassembleur et plus encore le repas qu’on offre à celui qu’on veut courtiser sont les fers de lance de quelques prouesses ou de quelques pas de danse. Le spectacle se compose d’ailleurs surtout de danse acrobatique, laquelle est vaguement calquée sur des motifs récurrents de la danse contemporaine québécoise, matinées de main-à-main et d’acrobaties au sol. On croit reconnaître des emprunts, conscients ou non, aux chorégraphies romantico-brutales de Dave St-Pierre, Virginie Brunelle ou Frédérick Gravel, en version édulcorée et assagie. Ce qui n’est pas nécessairement réjouissant, même si les artistes exécutent le tout avec puissance et fluidité.

La pièce est donc articulée, comme d’habitude, sur une dramaturgie assez artificielle : patchwork de confessions qui créent un réseau de sens autour d’une même thématique et auquel les numéros circassiens sont censés faire écho. Sauf qu’ici, l’inscription de la prouesse dans cet arrière-plan thématique n’est pas toujours éloquent. Y-a-t-il vraiment un lien à faire, se demandera-t-on, entre les souvenirs de repas d’enfance et l’impressionnant numéro de tissu aérien d’Anna Kichtchenko? Ou entre l’évocation d’une omelette parfaite et le brillant numéro d’anneaux chinois de Melvin Diggs et Sidney Iking Bateman? La réponse est la plupart du temps non, et l’idée de base du spectacle, voulant que la bouffe cause un éveil de la mémoire enfouie, trouve peu de réelle incarnation dans le travail circassien. Le défi est grand, on le sait, puisque le cirque résiste très fort à la narration. Mais tout de même, ici, l’effort dramaturgique fourni est bien minimal. Heureusement que la singularité et la parfaite exécution des prouesses circassiennes sont au rendez-vous.
 

 

De même, comme souvent chez les 7 Doigts, la théâtralité est scolaire et le ton est très affecté. Cette expressivité feinte a néanmoins le mérite de mettre le feu aux planches: on ne peut pas dire que le party est raté. Le spectacle est indéniablement festif et souriant, donné dans une bonne humeur authentique et contagieuse, laquelle fait écho à une scénographie modulable et très ludique (représentant une cuisine dans laquelle tout semble progressivement possible).

De cette candide célébration conviant le corps, le goût et l’odorat, on retiendra surtout un numéro émouvant de Matias Plaul, qui mêle le souvenir d’une enfance argentine tronquée par l’arrestation de son père à une saisissante performance au mât chinois.

Jusqu’au 16 novembre à la Tohu