Sabine Molenaar / That's it : Les métamorphoses
Scène

Sabine Molenaar / That’s it : Les métamorphoses

Donnant le coup d’envoi d’une série de spectacles dénichés par Jack Udashkin en Wallonie-Bruxelles et présentés en novembre et février au Théâtre La Chapelle, le solo That’s it, de Sabine Molenaar, invite à d’étranges métamorphoses.

Danseuse extraordinaire, selon les dires du directeur artistique Jack Udashkin, Sabine Molenaar s’est fait la main au sein de la compagnie de danse-théâtre Peeping Tom, dont le travail passionnant est absolument incontournable en Europe, depuis plusieurs années. «Elle fait évoluer dans son spectacle, explique Udashkin, un personnage étrange, dans une progression narrative onirique étonnante. Transformation, séduction, atmosphère enveloppante: c’est une drôle de bête, cette Sabine.»

Au bout du fil, la danseuse néerlandaise qui a aujourd’hui fondé la compagnie Sandman se reconnaît dans la description. «Je m’intéresse, dit-elle, aux métamorphoses, mais aussi à l’expérience de la dilatation du temps qui est permise par les rêves. J’invente sur scène un univers onirique et même parfois cauchemardesque, pour explorer l’irrationnel et pour naviguer dans différents niveaux de réalité.»

Explorant la logique du souvenir, de la fabulation et de l’association, la danseuse crée des atmosphères aussi envoûtantes qu’inquiétantes, dans un rythme hachuré et cinématographique. Elle aime les ambiances hors-norme, le dévoilement de soi par l’entremise de l’inconscient.

«Dans nos rêves apparaissent sous d’étranges formes, dit-elle, les laideurs, les peurs et les traumatismes qui nous habitent, mais il se crée aussi un espace ouvert, inspirant et poétique, pour se redécouvrir et réinterroger notre identité. Le champ des possibles devient alors illimité.»

Seule en scène, Molenaar offre évidemment un regard sur l’intériorité et l’individualité, explorant un espace mental nocturne désordonné qui trouve écho dans un corps dont elle donne parfois l’illusion de perdre le contrôle. La psyché humaine et ses plus fabuleux mystères sont ainsi incarnés puissamment, dans un spectacle qui use aussi de nombreuses astuces visuelles. 

Du 25 au 29 novembre au Théâtre La Chapelle, dans le cadre de Focus Wallonie-Bruxelles

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La Chapelle en Wallonie-Bruxelles

Les artistes belges et montréalais sont-ils taillés dans le même roc? Jack Udashkin pense que oui. C’est bien ce qu’il veut mettre en lumière en invitant trois compagnies du plat pays, et surtout wallonnes (ce qui est un brin plus rare). «Je vois un lien fort entre l’état d’esprit de la jeune scène wallonne et celle de la relève montréalaise que je fréquente assidûment. Ce n’est pas nouveau, cela dit, cet intérêt pour la Belgique, au départ par l’entremise des Flamands, mais de plus en plus via la scène wallonne. Ce sont vraiment nos confrères. Je remarque aussi chez les jeunes Wallons une capacité, comme chez les jeunes artistes montréalais, à faire de l’avant-garde de haut niveau tout en demeurant accessible et souvent sans prétention. Je reconnais en eux l’esprit de Frédérick Gravel, Catherine Gaudet ou Marc Beaupré – c’est une génération sans frontières.»

Mais fi de la théorie sur les liens entre Bruxelles et Montréal: Jack Udashkin est un intuitif et ce qui l’anime surtout, c’est le fait que les spectacles qu’il a choisis sont, de son aveu, «fascinants, drôles, étonnants». «C’est vraiment tout ce qui compte, ajoute-t-il. Ces trois compagnies inventent des personnages étranges, qui posent des questions profondes et intelligentes sur la condition humaine, avec une grande liberté de ton et de forme, et beaucoup d’éléments d’étonnement.»

Après le spectacle de Sabine Molenaar à la fin du mois, il faudra attendre février pour découvrir Salvatore Calcagno dans La Vecchia Vacca, une pièce «hallucinatoire, fellinienne et délirante, entre danse et théâtre». D’origine italienne, l’artiste inclassable propose une «obsession et introspection personnelle autour du pays natal, de la famille et du soleil». Suivra DTC (On est bien), de Ludovic Barth et Mathylde Demarez. «Il y a dans ce spectacle, en apparence, une narrativité linéaire. Mais là-dessous grondent de nombreuses couches de sens. J’ai été foudroyé par ce spectacle hilarant et hystérique, qui est très complexe malgré tout et qui raconte la Genèse avec des voix synthétiques d’ordinateur.»

De Bruxelles à Montréal, il n’y a peut-être qu’un pas, en effet.