Katie Ward / Infinity doughnut : Donner corps à la matière
Scène

Katie Ward / Infinity doughnut : Donner corps à la matière

Katie Ward n’a pas peur du vertige. La chorégraphe montréalaise propose dans sa pièce Infinity Doughnut une exploration instinctive de l’infini et de la physique quantique, tentant de matérialiser la matière inanimée dans des corps aux aguets. Entrevue.

«Je suis enthousiasmée, dit-elle, par l’objectif impossible de comprendre, par la danse, ce qu’est la matière et comment véritablement percevoir le moment présent. Je m’intéresse à l’invisible, à l’irrationnel, à l’indiscernable.»

Katie Ward n’est pourtant pas une scientifique. Elle n’a ni bagage universitaire en science, ni connaissances pointues du sujet. Mais depuis quelques années, elle fouille par la danse les thèmes de l’immensité, de la matière, des vertiges et des mystères de la vie humaine. «Je ne sais pas trop pourquoi, dit-elle. Je crois que je suis simplement émerveillée par la présence humaine sur terre, de façon tout à fait juvénile, dans l’étonnement le plus pur. Pas vraiment dans un esprit scientifique cartésien, plutôt dans une sorte de contemplation aérienne. D’ailleurs, je n’aime pas formuler des réponses définitives au sujet du mystère de la vie – je ne dis pas non plus que la science y arrive ou poursuit cet objectif de manière catégorique – mais je ne m’intéresse pas aux réponses, surtout aux questions. Je pense que l’inexplicable ne doit pas être expliqué.»

Le plaisir de se questionner au sujet de l’irrationnel et de l’indiscernable, toutefois, ne la quitte à peu près jamais. Avec son équipe de danseurs (Dany Desjardins, Audrée Juteau, Patrick Lamothe et Peter Trosztmer), elle a essayé de «créer des systèmes», c’est-à-dire des «partitions qui agissent comme protocoles de sondage du moment présent et de la matière ambiante.» «À partir de ça, explique-t-elle, on essaie de refléter ou d’augmenter des essences de ce que nous vivons, notamment par un travail sur l’espace-temps et les états de corps. On essaie de faire en sorte que le corps capte les essences de la matière inanimée et leur donne forme, les matérialise.»

Les possibilités semblent infinies, justement. Mais l’équipe de chercheurs-danseurs a tout de même commencé par l’évidence, tentant de représenter les états solide, liquide et gazeux, qu’ils incarnent de manière naïve en tentant de représenter leurs vibrations, leur état énergétique. «C’est une affaire de fréquences, d’énergie, d’agitation de molécules. Au départ on était dans la physique de base, primaire, avant d’évoluer vers des sentiers plus métaphysiques, peut-être, ou même vers la physique quantique, même si notre démarche demeure instinctive, jamais appuyée sur des écrits ou des recherches scientifiques spécifiques. On cherche des façons imaginatives et spéculatives de flirter avec la science, à partir de notre intelligence naturelle mais peut-être aussi à partir d’une certaine ignorance, assumée comme telle, dans un étonnement simplet devant la matière et ses mystères. Sans préjugés et sans préconceptions.»

C’est que devant un si grand sujet, nous sommes nécessairement stupides, ignorants, tout petits. Pas de prétention intellectuelle chez Katie Ward, juste de la curiosité. «Il faut reconnaître que notre humanité est une chose bien modeste devant l’immensité. Je pense que ce spectacle va l’affirmer très fort.»

Jusqu’au 30 novembre à Tangente