Beu-Bye 14 / Théâtre de la Bordée : Rétrospective corrosive
Scène

Beu-Bye 14 / Théâtre de la Bordée : Rétrospective corrosive

Un an après avoir créé le très irrévérencieux Gros Show, le Collectif du Temps qui s’arrête présente une revue de l’année scénique entièrement conçue par des artistes de la Vieille Capitale, une première historique qui risque fort d’attirer les curieux. 

À l’image des revues de fin d’année déjà populaires au petit écran ou sur la scène montréalaise, le Beu-Bye 14 sera une occasion de remonter le temps pour revivre les moments forts de l’année sur lesquels on s’apprête à tourner la page. Dans le cadre ludique d’un spectacle de variétés, se succéderont des sketches sur la politique (incontournable thématique), sur les grands titres de l’actualité locale et nationale qui font jaser, sans épargner les vedettes de l’heure, les émissions du moment (celles d’Éric SalvailRicardo et cie) et les hits radio omniprésents.

Au théâtre (pas) comme à la télé

Sans déplaire aux adeptes des traditionnelles revues télévisuelles, le résultat risque d’être tout sauf conventionnel. «On est des jeunes qui utilisent une forme qui est assez vieille, c’est-à-dire le spectacle de variétés, qui est un genre fondateur de la pratique du théâtre au Québec», affirme Lucien Ratio, metteur en scène et membre fondateur de la compagnie. «On l’utilise avec un regard et un humour contemporain, alors on ne bouge pas notre machine de la même manière. C’est sans doute plus corrosif que ce qu’on est habitué de voir.» D’ailleurs, les scènes dépeintes lors du Beu-Bye relèveront davantage de la caricature que de l’imitation. C’est là l’une des distinctions sur laquelle insiste l’équipe de création: le théâtre étant un véhicule distinct avec ses propres conventions, il est beaucoup plus permissif et laisse place à une créativité communicatrice pour le public, sans quatrième mur.

Rire de tout le monde

Il fait nul doute que l’écriture d’un spectacle d’une telle envergure nécessite un travail colossal de longue haleine. Aussi la tâche a-t-elle été partagée par les cinq acteurs qui y prêteront leur voix: Nicola-Frank VachonMonika PilonEdwige MorinJoëlle Bourdon et Philippe Durocher, Lucien Ratio adoptant ainsi le rôle de script éditeur. Sur la scène de La Bordée, le collectif sera appuyé par les ambiances musicales et sonores du multi-instrumentiste Mathieu Campagna.

Évidemment, alors que l’année se dessine au fil des pages des journaux locaux, l’équipe doit faire des choix. Y a-t-il des sujets difficiles à aborder? Est-ce plus difficile de parler des individus et personnalités qui sont plus près de nous? «Le but du show, c’est d’essayer de ne pas être simplement méchant», expose le comédien Philippe Durocher. «Le défi, c’est surtout de trouver le bon angle pour tirer le côté drôle de toutes sortes de situations»… et de rire aussi des deux côtés d’un même événement. «On rit de tout le monde, ça, y’a pas de doute», ajoute Ratio. «On a un numéro sur l’Ebola, poursuit-il, mais on ne rit jamais de la maladie, parce que c’est pas drôle. On rit de la "surpanique" que ça a créée au Québec. Il a fallu trouver la bonne forme, le choix des interprètes et le contexte qui en fait un numéro drôle.» Le tout en évitant de prendre parti, dans une optique de constat et d’autodérision plutôt que de dénonciation ou de critique.

D’autre part, une «parole» particulièrement mordante s’ajoutera à celle des comédiens par l’entremise du travail de Castor Vervaren, sculpteur français ayant analysé l’actualité québécoise pour produire plus d’une douzaine de sculptures s’en inspirant. Les fruits de son travail seront exposés dans le hall du Théâtre de la Bordée, parallèlement aux représentations du Beu-Bye.

Party de famille

Plus que tout autre spectacle présenté sur les planches cette année, Beu-Bye 14 est un spectacle fabriqué sans prétention, «à l’huile de bras», qui s’adresse à monsieur madame Tout-le-Monde. «C’est le mandat de la compagnie de désacraliser le théâtre, de rendre ça accessible», insiste Philippe Durocher, en rappelant le caractère populaire du spectacle de variétés. «C’est important de se rappeler ce qui s’est passé dans la dernière année, parce qu’on a la mémoire courte. C’est aussi important de le faire dans le plaisir.»

La première revue de l’année de la ville de Québec prendra donc des couleurs de party de famille et sera un prétexte au rassemblement pour revenir à la source, comme l’exprime Lucien Ratio: «Dans le temps des Fêtes, ce qu’on aime, c’est se raconter des histoires. Se réunir autour de la table et parler un peu de tout. C’est cette ambiance-là qu’on veut créer. Chaleureuse, accueillante et l’fun.» 

Du 11 au 13 ainsi que les 16, 18 et 20 décembre au Théâtre de la Bordée