Salut 2014: Cabaret Politique et Bouffonneries / Sans prétention
Scène

Salut 2014: Cabaret Politique et Bouffonneries / Sans prétention

Cette revue de l’année sans prétention est faite de bric et de broc mais elle est légèrement plus incisive et moins policée que celle, plus courue, du Théâtre du Rideau Vert, même si elle en reprend certains mécanismes classiques. Écrit par Philippe Lemieux et mis en scène par Richard Fréchette, le Cabaret Politique et Bouffonneries offre un plaisir inégal.  

C’est la 8e édition de ce spectacle réalisé dans la joie et présenté au Petit Medley par une équipe de passionnés qui y mettent agilité et énergie. Sans tout miser sur la précision des imitations (certaines sont carrément assumées comme ratées), le spectacle ne réinvente pas non plus le style classique des revues de fin d’année, qui au Québec s’appuie sur une longue tradition. Ils sont pourtant un peu plus critiques que les autres, se permettant un tantinet plus d’acidité (mais tout de même trop peu).

Difficile de réinventer le genre: ce cabaret exploite les ressorts dramatiques habituels, détournant le sens de chansons pop avec des paroles critiquant l’actualité, greffant des personnages politiques dans l’univers vitaminé de séries télé populaires ou pastichant les bulletins de nouvelles à la manière SNL (ou comme l’ont beaucoup fait les Zapartistes dans leurs fameux spectacles de fin d’année). Mais il est vrai qu’il y a dans l’écriture de Philippe Lemieux, malgré ce classicisme comique, une critique sociale un brin plus aiguisée que celle que se permettent les scripteurs des autres spectacles du même genre. Les médias, par exemple, y sont grossis de manière plus critique et, ainsi, la vacuité de certaines émissions de variétés apparaît criante. Patrice L’Écuyer, brillamment imité par le comédien Dominic St-Laurent, est notamment écorché dans un sketch où son émission est rebaptisée «Un air de débile». Il est doué, par ailleurs, ce Dominic St-Laurent (sûrement le plus-à-l’aise dans cette formule).

Il y aura beaucoup de sketchs chantés, sur le principe de la chanson pop revisitée: le spectacle commence d’ailleurs avec une fantaisie politique sur l’air de Happy, de Pharrell Williams.  On entendra plus tard les sœurs Boulette (sœurs Boulay), qui tentent de parodie les moyens de pression des policiers sur un air faussement country.  Bel effort, mais le thème s’avère difficile à caricaturer. La vraie réussite dans le genre arrive tard dans le spectacle, dans un sketch calquant la comédie musicale Sister Act et mettant en scène des nonnes péquistes (sœur Risée et sœur Rainville) bousculées par l’arrivée de sœur PKP.

L’opposition entre souverainistes et fédéralistes, plutôt que celle qui divise péquistes et libéraux, est d’ailleurs récurrente dans ce spectacle où, visiblement, la question nationale domine mais ne s’articule pas uniquement autour du PQ, sur lequel est posé un regard cruel. Le vieux parti indépendantiste en prend pour son rhume et se voit vilipendé bruyamment pour sa Charte à la xénophobie à peine camouflée.

Denis Coderre est aussi une figure moquée à répétition, notamment sa quête infinie de visibilité, mais la caricature proposée est un peu pâle, faisant de lui un «mononcle» qui se complaît dans des blagues éculées, en formule stand-up comique. Voilà qui m’est apparu trop centré sur la bonhomie sympathique du personnage, loin d’une satire à la hauteur du personnage et de son importance politique. De même, les blagues sur le poids du ministre Barette sont désespérantes et convenues. S’il-vous-plaît, auteurs comiques, sachez qu’on a amplement fait le tour du sujet.

On est heureux de voir apparaître ici et là des polémiques culturelles un peu plus champ gauche, qui n’ont pas fait les manchettes de TVA: l’affaire Boom Desjardins, ou la mise en scène annuelle d’Yves Desgagnés au TNM (meilleure que sa mise en scène de l’attentat de Pauline Marois, rigole-t-on). Mais on se demande un peu pourquoi l’équipe s’acharne à parodier Céline Dion et Julie Snyder, comme le font tous les imitateurs dans tous les spectacles de fin d’année, sans y trouver de vraies bonnes blagues. Y-a-t-il vraiment une bonne raison de continuer à tartiner partout Céline et Julie, sinon le fait qu’elles sont faciles à caricaturer? La plupart des sketchs les mettant en scène tombent ici à plat.

Néanmoins un spectacle de bonne tenue, qui déridera assurément un public festif et constitue un sympathique divertissement entre la dinde et la tourtière.

 

Les 18-19-20-26-27-28-29-30-28-29  et 30 décembre2014, à 20h00, au Petit Medley