Le journal d'Anne Frank : Didactisme et parfum suranné
Scène

Le journal d’Anne Frank : Didactisme et parfum suranné

Très scolaire, sans âme et interprétée dans un excès de trémolos, la mise en scène du Journal d’Anne Frank par Lorraine Pintal est un produit hyper-formaté, qui ne sait rien tirer de l’adaptation peu inspirée d’Eric-Emmanuel Schmitt.

Histoire de courage devant une guerre qui s’éternise, mais aussi fable initiatique sur le passage précoce à l’âge adulte et récit de cohabitation forcée, Le journal d’Anne Frank est un livre marquant, canonisé pour ses évidentes qualités de témoignage historique. Mais l’adaptation d’Eric-Emmanuel Schmitt, étrangement, n’a pas su en tirer la substantifique moelle.

Est-ce dû au choix qu’a fait l’auteur de confier l’essentiel de la narration à Otto Frank, le père de la célèbre Anne, créant ainsi une étrange distance avec les personnages? Est-ce le fait que sa plume édulcore les personnalités, transformant Anne Frank en pie égocentrique, Madame Van Pels en bouffonne de service et Peter van Pels en carpe muette?  Est-ce la faute de la formule redondante des allers-retours entre le passé et le présent, l’un ne nourrissant que très peu le regard que l’on porte sur l’autre? Sans doute est-ce pour toutes ces raisons que cette pièce s’avère d’un tel ennui et d’une telle vacuité.

Du Journal d’Anne Frank, œuvre-témoignage longuement étudiée par tous les ados de l’Occident, on avait pourtant retenu davantage de profondeur, davantage de finesse dans l’expression du quotidien et dans le regard sur la guerre – laquelle n’est ici que mentionnée du bout des lèvres et plutôt évoquée dans les vidéos immersives d’archives, qui campent l’époque un peu cavalièrement, sans grande subtilité.

Lorraine Pintal, si elle n’est pas une metteure en scène d’avant-garde, sait généralement incarner les grands mouvements dramatiques dans des mises en espace inteligentes, qui tirent généralement profit de structures scénographiques éloquentes. Ici, pas la moindre trace de cette intelligence scénique: l’action se distribue platement sur deux étages et n’obéit qu’à un triste réalisme de théâtre muséal et engoncé.  Si la structure grillagée du premier étage est une évidente métaphore de l’enfermement expérimenté par les personnages, elle n’est que peu utilisée en ce sens.  Dommage.

Mais c’est la direction d’acteurs qui échoue en grande partie à faire vivre l’ambiance de confinement et de proximité, se contentant d’un jeu affecté et hautement mélodramatique qui sonne éminemment faux. Ni Mylène St-Sauveur (Anne Frank) ni Paul Doucet (Otto Frank) n’arrivent à trouver la Vérité de leurs personnages. Le texte, trop scolaire, est certainement à blâmer en priorité. Mais tout de même, la partition est interprétée au premier degré, et les personnages secondaires, forcés de jouer des répliques trop souvent décharnées, ne peuvent guère embellir le portrait.