Olivier Morin et Guillaume Tremblay / Épopee Nord : Néo-folklore québécois
Scène

Olivier Morin et Guillaume Tremblay / Épopee Nord : Néo-folklore québécois

Ils sont de retour! Avec Épopée Nord, spectacle s’annonçant aussi délirant que Clotaire Rapaille l’opéra rock et L’assassinat du président, Olivier Morin et Guillaume Tremblay déconstruisent notre rapport aux Premières Nations dans une tonalité néo-folklorique! 

Leur théâtre est aux frontières de la satire, du théâtre d’anticipation et du théâtre sonore, avec des moyens lo-tech mais beaucoup d’ingéniosité. Mais surtout, Olivier Morin, Guillaume Tremblay et Navet Confit sont des amoureux du Québec, qui posent sur la Belle Province un regard amusé mais exigeant. Inventer un théâtre d’anticipation ludique leur a toujours semblé la manière idéale de réfléchir à leur Québec chéri sans s’embarrasser des barrières intellectuelles du présent: ils imaginent ainsi un Québec futuriste dans lequel tout est possible, même si l’identité collective est encore malmenée. 

«On fait du théâtre d’anticipation, dit Guillaume Tremblay, parce qu’on constate que tous les spectacles au sujet du Québec actuel sont ombragés, dénués d’espoir pour l’avenir. En imaginant un Québec du futur enfin souverain et libre, on peut aborder plein de nouveaux sujets, abattre des murs, se libérer des chaînes du présent.»

Épopée Nord nous trimballe donc en 2035, dans un futur pas si lointain où le nouveau pays Québec est prospère et rayonnant grâce à son hydroélectricité et son tourisme dans les «stations balnéaires du Nord». Mais on aura beau libérer le Québec de ses tiraillements constitutionnels et lui permettre enfin un développement libre de ses ressources naturelles, il restera un éléphant dans la pièce. «Le Québec veut développer le Nord, se réjouit Guillaume Tremblay, mais dans cet effort, encore une fois, il oublie les Amérindiens qui peuplent ce territoire. On a imaginé que, même dans un Québec souverain idyllique, on n’aurait pas réussi à régler le problème autochtone. C’est peut-être un idéal impossible à atteindre.»

Dans l’imaginaire de Tremblay/Morin/Confit, l’État a transformé les réserves amérindiennes en villages touristiques prospères, mais les communautés autochtones continuent avec raison de s’y sentir brimées. Débarque un Fred Pellerin métamorphosé, qui fomente avec ses amis des Premières Nations une revanche épique. Jonglant avec des symboles amérindiens et québécois, le Théâtre du Futur veut offrir avec cette pièce caustique et un peu fêlée une occasion de réfléchir au folklore d’ici.

«Le folklore québécois est réconfortant avec ses histoires rurales chaleureuses, philosophe Tremblay. Mais il nous rassure de manière factice au sujet de nos traditions. Nos racines sont infiniment plus complexes que ça; elles puisent dans la civilisation occidentale mais aussi dans les traditions autochtones, et on doit réhabiliter ça. L’accordéon, c’est bien, mais c’est réducteur: notre identité est plus large que ça.»

Guillaume Tremblay et Olivier Morin sont néanmoins des Québécois francophones comme les autres, incapables de nommer convenablement les 11 nations autochtones du Québec il y a à peine quelques mois. Or même si leur démarche d’écriture est humoristique, ils ont pris leur sujet au sérieux et sont allés faire un peu de recherche sur le terrain, fumant pendant des heures le tabac sacré avec un dénommé Vieux Buck Martel et sa compagne Montana. «Avec eux, raconte Guillaume Tremblay, on a mangé un cœur d’orignal farci au chevreuil, puis de la langue d’orignal. On a été traités avec le respect dû aux aînés. Notre spectacle est satirique, mais on a une volonté de raconter la culture amérindienne avec une certaine authenticité. Nos shows servent à délier les langues au sujet d’enjeux déchirants et fondamentaux; c’est une démarche sérieuse. On aime bien considérer Épopée Nord comme un show guérisseur de folklore malade.»

Au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui du 27 janvier au 14 février