Sylvain Emard / Ce n'est pas la fin du monde : Mâles affrontant l'adversité
Scène

Sylvain Emard / Ce n’est pas la fin du monde : Mâles affrontant l’adversité

Avec une distribution masculine de 7 danseurs, Sylvain Emard explore un territoire de combativité et d’adversité dans Ce n’est pas la fin du monde, une pièce d’hommes confrontés à l’imminence de notre disparition.

Dans son précédent spectacle Fragments volume 1, déjà, Sylvain Emard s’inspirait de la notion d’urgence. «Cette expérience, dit-il, m’a donné l’irrépressible envie de reprendre le même sujet avec un groupe d’hommes.»

Ce n’est pas nécessairement un travail sur la masculinité, toutefois. Considérant que ce monde arrive à sa fin et qu’il est de plus en plus hostile à l’homme, la pièce part du postulat que ces 7 danseurs (Adam Barruch, Dylan Crossman, Mark Medrano, Laurence Ramsay, Manuel Roque, Neil Sochasky et Georges-Nicolas Tremblay) vivent dans un monde d’adversité, un environnement en déclin, dans lequel il faut se débattre. «Évidemment on n’échappe pas à l’énergie mâle, dit-il, et la puissante présence physique de ces hommes nous fait naviguer dans l’état d’esprit de l’homme contemporain. Mais le spectacle présente un homme multi-facettes et une masculinité explorée dans un certain multiperspectivisme. Et même si on travaille en premier lieu les motifs de la force, de l’aggressivité et de la combativité, on travaille aussi la vulnérabilité et la fragilité de l’homme. Ça peut paraître cliché de dire ça mais, honnêtement, en danse contemporaine dans les distributions mixtes, il est souvent difficile de se sortir de l’image de l’homme séducteur et de l’homme fort qui porte le corps de sa partenaire. Je me permets cette fois de m’en affranchir.»

Chaque époque a eu l’impression d’arriver au bord du gouffre, de s’approcher de la fin du monde. Mais, indéniablement, la déliquescence de la planète est devenue indéniable et les générations actuelles ne peuvent plus nier qu’elles sont proches de leur propre finitude. «C’est de là que naît, pense Sylvain Emard, le sentiment de trouble et de confusion que notre pièce cherche à explorer, de même que la gestuelle que nous avons développée évoque larecherche d’équilibre, le désir d’inverser le cours des choses. Les désastres écologiques  qui nous guettent me paraissent d’ailleurs être une bonne métaphore des autres fins du monde: fin des utopies, fin du couple, etc.» 

Comme toujours chez Sylvain Emard, l’homme est confronté à lui-même à travers une tension avec la collectivité. Cette pièce n’échappe pas à la règle et écorche la notion de de groupe, de vivre-ensemble et d’appartenance à un ensemble. «Le thème de l’urgence sous-tend une certaine tension avec le monde extérieur et la communauté, en effet. Dans cette chorégraphie. le mouvement va à l’essentiel: il est tout à fait débarrassé du superficiel, et dans le groupe ça se traduit par un travail de force et de soutien du danseur par le collectif, et parfois aussi par des formes de rejet. Une partie de la solution au sentiment d’inadéquation et d’adversité que nous explorons dans la pièce réside en effet dans l’entraide et la solidarité, ce que la pièce explore de différentes manières.»

Dans cette volonté de susciter un mouvement brut, celui qui apparaît le plus nécessaire et le plus essentiel, le chorégraphe invente des figures de combat ou de guerre, mais ne néglige pas un certain ludisme. «Ce qui m’étonne c’est qu’avec un groupe d’hommes, j’ai du mal à ne pas les voir comme des enfants qui jouent à la guerre ou comme des enfants espiègles. Même si c’est une pièce assez dramatique, il y a des allers-retours entre la fragilité, l’introspection, la combativité et le ludisme.»

Jusqu’au 31 janvier à l’Agora de la danse