Musicophilia / Axel Tangerding : Danser dans sa tête
Scène

Musicophilia / Axel Tangerding : Danser dans sa tête

Ce sera une courte mais remarquable visite: le metteur en scène allemand Axel Tangerding amène pour deux soirs à Montréal sa pièce Musicophilia, inspirée des travaux du célèbre neurologue Oliver Sacks sur les effets de la musique sur le cerveau. Entrevue.

En 2007, Oliver Sacks fait paraître Musicophilia, un livre explorant la manière dont la musique transforme le cerveau humain et nous rend plus intelligents, à partir d’une série d’études de cas qui permettent d’expliquer que «plus d’aires cérébrales sont affectées au traitement de la musique qu’à celui du langage» et que «la musique se loge dans des endroits du cerveau qui peuvent résister aux pathologies». On y apprend notamment que des patients atteints de démence ont perdu la plupart de leurs facultés cérébrales, mais jamais celles dévolues au traitement de la musique. Un exemple-choc, qui fait image. Son approche accessible et narrative a fait du livre un best-seller. Le voici maintenant sur scène, sous la forme d’un théâtre musical qui flirte brillamment, dit-on, avec la technologie et la science.
 

 
Axel Tangerding a rencontré Oliver Sacks il y a plusieurs années, lors d’un autre projet théâtral inspiré de ses travaux et orchestré par nul autre que Peter Brook, légende du théâtre européen qui adaptait en 1993 son roman L’homme qui prenait sa femme pour un chapeau. Depuis, il n’a cessé de se passionner pour la neurologie et pour la plume érudite et agréable de son vieil ami.

«Je suis né dans une famille de musiciens, dit-il, et j’ai beaucoup joué de piano, alors les recherches d’Oliver me passionnent tout naturellement. J’ai choisi neuf cas parmi les dizaines cités dans le livre, pour leur donner une incarnation scénique. Il s’agit parfois, avec la vidéo, d’entrer dans le cerveau pour y constater l’activité cérébrale, parfois de naviguer autour du cerveau pour y porter un regard extérieur. Je m’intéresse aux points de rencontre entre l’art et la science, et on a notamment inventé pour ce faire un système de vidéo interactif qui réagit aux fréquences de la musique comme le ferait une synapse du cerveau.»

axel

Le neurologiste est aussi sur scène (sous les traits du comédien Peter Pruchniewitz) et réfléchit à haute voix, se faisant aussi scientifique que philosophe. «Qu’arriverait-il si la musique était notre seul moyen de communication? se demande-t-il. Y aurait-il moins de conflits? La communication serait-elle moins hasardeuse, plus harmonieuse, plus organique? Les facultés du langage et celles de la reconnaissance de la musique vont de pair, elles sont intrinsèquement liées, et c’est passionnant à décortiquer.»

Explorant des phénomènes tels que l’acouphène, l’amnésie, la démence, l’oreille absolue ou la synesthésie, la pièce est baignée de la musique interprétée en direct par une violoniste (Gertrud Schilde), un violoncelliste (Mathias Beyer-Karlshøj) et une mezzo-soprano (Cornelia Melián). La cohésion de cet ensemble musical minimaliste évoque aussi une autre grande idée émise dans le livre d’Oliver Sacks: la musique permet une prise de conscience de notre inscription dans le collectif et adoucit les conflits pour encourager un vivre-ensemble harmonieux. Rien de moins.

Les 11 et 12 février au Théâtre Prospero