Arkadi Zaides / Archive / FTA : En territoire occupé
FTA 2015

Arkadi Zaides / Archive / FTA : En territoire occupé

L’Israélien Arkadi Zaides s’amène au Festival TransAmériques avec Archive, une chorégraphie sur fond d’images de violence ordinaire tournées par des Palestiniens en Cisjordanie.

Depuis qu’il a quitté la prestigieuse Batsheva Dance Company de Tel-Aviv, Arkadi Zaides a créé une œuvre personnelle et politisée, sensible aux bouleversements quotidiens vécus par la population palestinienne occupée en Cisjordanie. Né en Biélorussie mais vivant en Israël depuis l’âge de 11 ans, il n’envisage pas son art autrement que comme une forme d’expression politique. Habiter dans un pays déchiré par l’insoluble conflit israélo-palestinien, qui plus est du côté de l’oppresseur, ne lui donne pas d’autre choix, pense-t-il.

«On dit souvent que les artistes palestiniens ressentent plus fort le besoin de traiter de l’occupation dans leur travail, et il est vrai que certains Israéliens vivent leur vie sans jamais s’approcher de la situation. Mais pour moi, elle est inévitable; elle définit tous les autres enjeux dans ce pays, ainsi que toutes les interrelations entre les gens. Je ne sais pas faire de l’art sans inscrire mon propos dans la situation politique de mon pays.»

Archive est une œuvre hybridant le corps et la vidéo, dont la narrativité se construit autour d’images tournées au quotidien par des Palestiniens de la Cisjordanie. Avec des caméras fournies par B’Tselem, le centre d’information israélien pour les droits de l’homme dans les territoires occupés, les volontaires documentent la vie sous l’occupation, à travers petites et grandes violences. «L’idée est de donner aux Palestiniens un moyen d’expression, mais aussi de constituer des preuves en cas d’abus et de non-respect des droits de la personne par les soldats israéliens. C’est une forme de résistance non violente.»

En tant qu’Israélien et humaniste pacifiste, Arkadi Zaides s’est trouvé écartelé au visionnement d’une tonne de ces images, qu’il a choisi de s’approprier en les faisant dialoguer avec son corps. Une manière, dit-il, «d’inventer une gestuelle de la violence, qui est performée par-dessus les images et qui se confond avec elles, tout en cherchant à s’en dissocier». «Je tente de mesurer cette violence, ajoute-t-il, puisque je suis Israélien et qu’elle provient de mon peuple, tout comme j’articule une nécessaire distanciation critique et une dénonciation.»

Il a d’ailleurs choisi de travailler à partir d’images de soldats israéliens seulement, écartant toutes les images des familles palestiniennes occupées – «l’idée étant d’observer sa propre communauté». «J’ai aussi sélectionné des images témoignant d’une violence plus diffuse, pas celle, tonitruante, qui est très médiatisée, mais celle qui se déroule chaque jour plus subtilement, plus discrètement, aux coins de chaque rue.»

Accueilli en héros au dernier festival d’Avignon et sur plusieurs scènes européennes, Arkadi Zaides n’a pas connu le même succès à Tel-Aviv, où le spectacle a parfois été interrompu par des manifestations. «Ça montre que ce sujet demeure délicat, qu’on ne peut pas en discuter ouvertement, librement et démocratiquement, même s’il n’y a pas de censure officielle de la part des autorités israéliennes.»

Crédit: Gadi Dagon
Crédit: Gadi Dagon

 

Qu’est ce que B’TSelem?

Quand des raids détruisent des immeubles résidentiels dans la bande de Gaza, B’TSelem enquête et publie un rapport accablant. Quand des opérations militaires majeures déciment une partie de la population palestinienne, l’ONG fait le compte des pertes humaines.

Certainement l’une des ONG les plus connues en Israël, elle est financée par des fondations israéliennes, européennes et américaines et se présente comme une organisation dont la principale tâche est de «documenter et informer le public et les décideurs israéliens sur les violations des droits de l’Homme dans les territoires occupés». Depuis plus de 20 ans, elle est considérée par la plupart des médias sérieux comme une source fiable, aux méthodes rigoureuses, même si elle essuie évidemment les critiques de nombreuses organisations pro-Israël de droite, comme NGO Monitor, qui l’accusent de manipuler la vérité.

Fondée en 1989, B’TSelem a commencé plus récemment à agir comme une forme de média alternatif et citoyen, diffusant sur son site des vidéos tournées par des Palestiniens à qui ils fournissent une caméra. L’appareil devient «arme pacifique de dénonciation», montrant l’occupation au quotidien: soldats qui entrent en pleine nuit dans les maisons pour réveiller les enfants et contrôler leur identité; Palestiniens interdits de circuler sur des tronçons de rue, citoyens menacés avec des armes à feu, et ainsi de suite.

Les images filmées par les volontaires palestiniens sont régulièrement reprises par les réseaux de télévision, en Israël comme dans le reste du monde.

Archive, d’Arkadi Zaides
Du 24 au 26 mai à la 5e Salle de la Place des Arts, dans le cadre du Festival TransAmériques (FTA)