Boeing Boeing: Polygamie aérienne
Scène

Boeing Boeing: Polygamie aérienne

Actualiser Boeing Boeing et ses personnages féminins hyper-stéréotypés, ça se peut? C’est en tout cas l’aventure que tente André Robitaille cet été à Drummondville. Discussion.

L’été c’est fait pour jouer. C’est en tout cas ce qu’a toujours pensé André Robitaille, qui joue la comédie en été depuis plusieurs années en plus de produire de nombreux spectacles avec son équipe des Productions de la Meute. En plus de reprendre tout l’été le rôle de Pierre Brochant dans Le diner de consSherbrooke, Brossard et Gatineau), le comédien et animateur signe la mise en scène de Boeing Boeing à la Maison des arts Desjardins de Drummondville. Dans ce théâtre où rôde assurément le fantôme de son ex-directeur artistique Gilles Latulippe, il a intérêt à avoir révisé ses règles de comédie 101.

Faut dire qu’avec Boeing Boeing, comédie française de Marc Camoletti qui est sans cesse rejouée chaque année en Europe et parfois chez nous, il a choisi une valeur sûre. L’histoire de ce playboy qui accumule les conquêtes permet une rythmique implacable: les femmes lui arrivent par toutes les portes et les mensonges s’accumulent à mesure que grandissent les risques de voir l’édifice de ses adultères s’écrouler. Pourtant, il se croit à l’abri: son petit harem est constitué d’hôtesses de l’air se succédant dans son lit sans jamais se rencontrer, fuseaux horaires obligent. Et cette mécanique va évidemment s’écrouler. Jusqu’ici, on est dans un classicisme comique français sans failles, et le rire est assuré.

Martine Francke, Bernard Fortin, Pauline Martin, André Robitaille, Martin Héroux, Lise Martin et Caroline Bouchard / Crédit: Simon Duhamel
Martine Francke, Bernard Fortin, Pauline Martin, André Robitaille, Martin Héroux, Lise Martin et Caroline Bouchard / Crédit: Simon Duhamel

 

Mais les personnages féminins de Boeing Boeing, des potiches de classe mondiale, ne font pas beaucoup rire André Robitaille, qui s’est lancé dans le projet de leur donner un peu plus d’épaisseur. «C’est un texte bien construit, à la mécanique comique très bien régulée, dit-il, mais depuis les années 60 les choses ont bien changé et je n’étais pas capable d’accepter des personnages féminins aussi nunuches. Le texte a été radicalement retouché et je suis fier de dire qu’on a réussi à donner du muscle à ces femmes-là. On a enlevé toute trace d’exploitation de la femme et j’ai même ajouté une scène dans laquelle l’une d’elles remet l’homme à sa place.»

Elles ne sont d’ailleurs pas Américaine, Espagnole et Allemande, comme dans le texte original, mais bien Québécoise, Française et Russe, un cocktail culturel avec lequel Robitaille permet de s’amuser, d’explorer «l’archétype des différentes sensualités», de proposer «une cartographie des différents rapports au désir». «Les ressorts comiques de la pièce reposent sur ces clichés-là, dit-il, et j’ai eu envie de tordre tout ça en travaillant différentes nationalités et en actualisant les stéréotypes.»

«Et pour moi, ajoute-t-il, ça s’imposait que le corps soit mis de l’avant, que les femmes attisent le désir – que la beauté de la femme soit mise de l’avant, comme une sorte d’hommage. Pour aimer ce personnage de séducteur et compatir à sa dérive, il faut qu’on comprenne avant tout sa passion sincère des femmes.»

Plus proche des traditions comiques américaines, Robitaille a coupé dans le texte pour éviter «trop de verbiage» et situé l’action à Montréal en 2015 plutôt que dans un appartement parisien bourgeois de 1960. Mais plus ça change, plus c’est pareil, dit-on.

Pauline Martin joue la gouvernante complice et elle au «sommet de sa forme», selon le metteur en scène admiratif. Aux côtés de Bernard Fortin dans le rôle du polygame heureux et de Martin Héroux dans le rôle de l’envahissant ami d’enfance, elle orchestre les allées et venues des trois jolies hôtesses de l’air, interprétées par Martine Francke, Lise Martin et Caroline Bouchard.

À la Maison des arts Desjardins de Drummondville jusqu’au 5 septembre 2015