Flip FabriQue / Crépuscule : Le cirque d'avant-garde qu'il faut absolument voir
Scène

Flip FabriQue / Crépuscule : Le cirque d’avant-garde qu’il faut absolument voir

Assis dans les estrades de l’Agora, sur les sièges neufs et confortables, on se pince fort. Assister un tel spectacle sans payer de prix d’entrée tient de la pure folie – merci M’sieur Labeaume.

Il est dans la mire de Robert Lepage et ce n’est pas pour rien. Après avoir transformé le petit local de Premier Acte en maison agapitoise circa 1920, Olivier Normand avait un gros contrat: celui de rendre les transitions fluides, d’élaborer une thématique forte (en occurrence: les jeux d’enfants) en collégialité avec les membres de la troupe circassienne locale Flip FabriQue, d’assiter la scénographe Véronique Bertrand pour la création des décors. Une mission réussie puisque malgré l’immensité relative du lieu, jamais l’Agora du Vieux-Port ne semble vide. Nos sens sont stimulés en quasi permanence et la mise en scène déborde de déplacements aussi beaux qu’ingénieux.

Crépuscule se démarque des autres spectacles de cirque par son approche poétique et mélancolique. C’est en grande partie dû à la musique raffinée d’Uberko né Marc-Olivier Morin qui a composé la trame sonore des numéros périlleux sans se dénaturer, lui qui a fait sa marque dans la Vieille Capitale avec des interprétations très senties (il chante aussi) et près de l’univers aussi onirique que troublant des Islandais de Sigur Rós. Avec lui, lors de chacune des représentations, le percussionniste Steve Hamel qui vient ajouter une bonne dose de rythme pour accompagner les montées d’adrénaline vécues et transmises par les acrobates. Une sorte de mise à niveau, d’adaptation qui fonctionne, mais qui pourrait aussi avoir une vie au-delà des spectacles. Bref, on veut ça sur un disque.

Impossible de parler de la production sans vanter au passage les qualités athlétiques indéniables de membres permanents de Flip FabriQue et de leurs employés saisonniers (tous de niveau international et formés à l’École de cirque de Québec) qui s’exécutent tour à tour. Encore une fois, Crépuscule sort du lot parce que les artistes ne se limitent pas à une seule discipline. Ils sont tous incroyablement polyvalents! En ce sens, le numéro de bascule où presque toute la distribution participe est particulièrement captivant, très drôle aussi. D’autres moments qui marquent? Les numéros de trampo-mur (la spécialité de la maison!) et de cerceau aérien. Vertiges.

Autre fait à noter: l’absence de maquillages abusant de « glitter » ainsi que les costumes très près du vestiaire sportif, des tenues indiscutablement actuelles et sans flafla qui rappellent celles des amuseurs publics. Une bonne idée, puisqu’on n’est jamais distrait et que toute l’attention est mise sur les aptitudes de ses surhommes et Wonder Womens.

Flip FabriQue, jeune compagnie d’ici remarquée à Berlin et New York, a mis le paquet deux étés après les derniers Chemins invisibles du Cirque du Soleil. Crépuscule, irréprochable d’un point de vue technique et bourré de sensibilité, arrive même à surpasser cette ultime « création municipale » de leurs archi réputés successeurs. Il faut continuer de donner ce genre de contrat prestigieux et publics à ceux qui ont besoin d’une vitrine, qui ont encore beaucoup à prouver.

 

Jusqu’au 6 septembre à la tombée du jour

(Du mardi au dimanche)

L’Agora du Vieux-Port de Québec

 

// À lire aussi: notre entrevue croisée avec Olivier Normand et Bruno Gagnon, directeur général et artistique de Flip FabriQue au sujet Crépuscule

La galerie photo du spectacle réalisée par Alexandre Galliez