Dramaturgies en dialogue : Cap sur Wallonie-Bruxelles
Scène

Dramaturgies en dialogue : Cap sur Wallonie-Bruxelles

En plus de célébrer les 50 ans du Centre des auteurs dramatiques (CEAD), le festival Dramaturgies en dialogue invite cette année des auteurs de Wallonie-Bruxelles pour réaffirmer les liens vibrants qui les unissent à la scène montréalaise. Discussion avec Elizabeth Bourget, grande penseuse de la programmation.

Montréal et Bruxelles, en arts de la scène, sont presque en train de devenir jumelles. De plus en plus souvent associés, liés par un état d’esprit et une joie d’être ensemble, les artistes montréalais et wallons se croisent au OFFTA comme au Théâtre La Chapelle, et bientôt à Mons, cette petite ville à 60 kilomètres de Bruxelles qui a été désignée capitale culturelle européenne et qui accueillera en septembre un grand nombre d’artistes montréalais lors de l’événement Ailleurs en folie. Dramaturgies en dialogue profite de cette conjoncture favorable pour mettre en lumière la dramaturgie wallone, comme l’explique la conseillère en dramaturgie Elizabeth Bourget.

«En dramaturgie, les liens fertiles entre Montréal et la Wallonie existent depuis très longtemps, notamment en théâtre jeune public. L’auteur dramatique Louis-Dominique Lavigne, par exemple, est régulièrement invité là-bas en résidence d’écriture. Et la dramaturgie québécoise est souvent éditée en Belgique par Emile Lansman, qui fréquente Montréal depuis toujours avec appétit, comme le fait depuis peu le metteur en scène Armel Roussel, dont on entendra beaucoup parler en ville prochainement.»

Elles sont liées depuis toujours, mais on sent ces jours-ci une effervescence particulière dans la relation entre Montréal et Bruxelles. S’y inventent des esthétiques différentes mais y existe un contexte similaire: Montréalais et Wallons cultivent naturellement leur polyvalence, les auteurs étant de plus en plus souvent acteurs ou metteurs en scène et s’intéressant aux formes interdisciplinaires. «Mais je pense, précise Elizabeth Bourget, que les Wallons envient le fait qu’à Montréal, l’intérêt pour l’interdisciplinarité et les écritures de plateau n’a pas encore tué le théâtre de texte. Ils sont jaloux du soutien dramaturgique dont bénéficient les auteurs et de la reconnaissance qu’ils obtiennent. Je ne m’inquiète toutefois pas pour eux: il y a un retour vers le texte qui s’opère tranquillement sur les scènes wallonnes comme en France.»

Catherine Daele
Catherine Daele

Ce renouveau de la dramaturgie wallonne sera exploré au Théâtre d’Aujourd’hui par des mises en lecture de textes de Marie Henry, Catherine Daele et Manuel Antonio Pereira. Le CEAD s’est amusé à faire des jumelages qui promettent. Ainsi les deux courtes pièces de Marie Henry, qui croisent deux registres de parole, seront mises en lecture par Félix-Antoine Boutin, habitué de traiter la langue comme un matériau performatif et de côtoyer des personnages pétris d’incertitudes. Alice Ronfard s’initie à l’univers de Manuel Antonio Pereira, inscrit dans une forte narrativité, et Nini Bélanger pose son œil contemplatif sur la pièce Supernova, de Catherine Daele, qui met en scène des ados dans un terrain vague.

Benjamin Pradet
Benjamin Pradet

Le festival permet aussi, comme chaque année, de découvrir de nouveaux auteurs québécois. Dans un casting de rêve réunissant la crème des acteurs les plus expérimentés en ville (Jacques Godin, Andrée Lachapelle, Albert Millaire, Monique Miller et Béatrice Picard), Robert Bellefeuille met en voix la fugue d’une bande de vieillards imaginée par le jeune Benjamin Pradet. 80 000 âmes vers Albany est porté «par une extraordinaire langue de théâtre», dit la conseillère du CEAD.  La pièce de Marianne Dansereau, Hamster, est «taillée dans un écriture un peu trash et plutôt incisive, dans une critique de la banlieue qui emprunte aussi les codes du suspense.»

Michel Ouellet
Michel Ouellet

Il y aura, dit Elizabeth Bourget, une «soirée d’écritures plus formalistes, très riches, où on entendra notamment le nouveau texte de Michel Ouellet. Très connu et très joué dans le Canada français, Ouellet n’a pas encore reçu l’attention qu’il mérite au Québec et à Montréal : on espère allumer l’étincelle et créer une effervescence autour de sa pièce Le dire de di.»

Ici et là se dessineront des personnages adolescents, dans La fête à Sophie, de Serge Mandeville, « une pièce pour ados avertis » ou dans Un oiseau m’attend, de Marie-Hélène Larose Truchon.

Dramaturgies en dialogue, c’est aussi assister à la naissance d’un travail important autour des textes d’Hubert Aquin par le traducteur et auteur René Gingras. «Il a mis bout à bout Neige noire et Prochain épisode en construisant un dialogue entre les deux œuvres; un travail de moine qui, je pense, sera intéressant à analyser à l’aune de la situation politique actuelle.»

Le festival accueille aussi le Séminaire international de traduction et en profite pour organiser, notamment, une séance de traduction en direct avec les traducteurs Mike Sens (France) et Frank Weigand (Allemagne). Ça promet.

Du 20 au 27 août au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui