La Bordée / Bousille et les justes : Au-delà du huis clos familial
Scène

La Bordée / Bousille et les justes : Au-delà du huis clos familial

La vie est une roue qui tourne. Jacques Leblanc est le dernier à avoir joué Bousille en ville et c’est dans son théâtre, à sa demande, que le classique sera repris deux décennies ans plus tard. Une mission confiée à Christian Michaud, visage familier pour plusieurs et pilier du théâtre à Québec.

Écrite en 1959, une poignée de mois avant la mort du détestable Maurice Duplessis, l’œuvre phare de Gratien Gélinas témoigne de l’ère Mad Men mais au Québec. Au temps où les hommes (ah, les méchants!) buvaient et découchaient. Le metteur en scène Jean-Philippe Joubert détaille : « la pièce a participé à faire surgir des pensées qui n’avaient pas cours de façon publique. Ce qui se passait c’est qu’un mari et sa femme allaient voir ça à La Comédie-Canadienne et tout d’un coup le mari découvrait que sa femme riait des blagues de curés et sa femme découvrait que l’autre riait du comportement de Phil, des trucs sur l’adultère pour utiliser un vieux mot. Ils découvraient mutuellement qu’ils riaient d’éléments dont ils n’avaient jamais parlé ensemble avant. »

Si Bousille et les justes a si bien vieilli, c’est parce que son auteur abordait d’autres thèmes toujours terriblement actuels : la violence conjugale, l’intimidation, les erreurs judiciaires, la place des handicapés. « Ce qui est encore intéressant aujourd’hui, c’est cette idée de portrait d’une société qui largue, qui envoie sous l’autobus ses membres les plus faibles pour arriver à ses fins. » Joubert fait évidemment référence au rôle-titre campé par Christian Michaud, un homme bon, pur et souffrant d’un retard mental certain qui se fait varloper par sa famille adoptive.

Simon Lepage, Christian Michaud et Eliot Laprise en répétition (Crédit: Nicola-Frank Vachon)
Simon Lepage, Christian Michaud et Eliot Laprise en répétition (Crédit: Nicola-Frank Vachon)

Reprendre ce personnage-là, l’acteur l’avoue, vient avec un certain vertige vu son statut quasi mythologique dans la dramaturgie québécoise. Son Bousille, il l’a longuement étudié pour éviter les impressions de déjà-vu. « J’aime commencer avec le corps comme trouver une démarche. À partir de ça, c’est comme si la voix apparait, y’a comme de quoi qui se forme. Même le tempérament. […] La délicatesse de ce personnage-là amène une fragilité intérieure. »

 

Reconstitution historique

L’intérêt de ce genre de reprise réside aussi dans une certaine réinterprétation du décor suggéré par l’auteur. Jean-Philippe Joubert et la scénographe Monique Dion ont eu une idée audacieuse qui ne dénature pas l’original. « On voit tout l’hôtel et toute l’action qui se passe autour. Le client de la chambre d’à côté, la personne qui passe dans la rue. L’idée c’est de situer cette chambre-là dans un contexte plus large. »

Le seul anachronisme c’est la « musique d’aujourd’hui » de Josué Beaucage, le type de Who Are You qui avait aussi écrit l’hymne tellement mémorable du spectacle Le « K » Buster de Raphaël Posadas. « Moi, ma commande c’était une chanson qu’il développe sur toute la durée de la pièce. […] Ça vient donner un autre niveau de lecture et aussi une bouffée d’air entre les actes. » Christian, emballé, ajoute son grain de seul : « c’est très beau, c’est vraiment beau. Elle est super nourrissante pour ce qui s’en vient et ça conclut bien ce qu’on vient de voir. »

 

Du 15 septembre au 10 octobre

La Bordée

 

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