Société

Campagne Municipale : Montréal en campagne

Les squelettes dans le placard, ce sont des paroles ou des gestes de politiciens, ignorés du public, et que les principaux intéressés préfèrent oublier. Un exemple: Jean-Louis Roux accède au poste de lieutenant-gouverneur de la province. On découvre une vieille photo des années quarante où il arbore, tout sourire, la croix gammée. Ça, c’est un squelette dans le placard.

De la même manière que le squelette de Lucy, l’australopithèque, nous a révélés notre passé de singe, le squelette dans le placard du politicien nous renseigne sur ses antécédents peu glorieux.

Cadavres exquis
On ne fait pas revenir les morts, à moins d’y aller d’incantations aux vieux démons. Ainsi, l’administration du maire Bourque, en émettant la semaine dernière le souhait de récolter davantage de foin des contraventions pour combler les nids-de-poule de son budget, met à découvert un squelette: la promesse électorale de 94, de gracier d’un délai de trente minutes aux automobilistes qui auraient oublié de nourrir leurs parcomètres.

Que le maire n’ait pas respecté sa promesse électorale, c’est dans l’ordre des choses. Mais qu’il reproche aux Montréalais d’affecter les budgets de la Ville en étant trop disciplinés, c’est un argument massue en faveur du cynisme des citoyens. Faut-il rappeler que le budget de la Ville est toujours illégal, parce que déficitaire de vingt millions de dollars – malgré les cadeaux de Québec de soixante millions, et d’une loi permettant à la Ville de réduire unilatéralement de 6 % sa masse salariale?

Afin d’aider l’administration Bourque à combler son déficit, nous lui suggérons quelques pistes: stationnements réservés au covoiturage; interdiction de stationner devant les corbeilles, les arbres et les nouveaux supports à vélos; installation de parcomètres ne fonctionnant qu’avec des sous noirs, d’une durée maximale douze minutes et demie; rues réservées aux handicapés; défense de stationner aux voitures munies de sabots de Denver.

Autres squelettes à surveiller: son opposition, en 94, à la semaine de quatre jours pour les cols bleus, sous prétexte que ce serait trop coûteux. Que vient-il d’accorder aux syndiqués? La semaine de quatre jours sous prétexte de faire des économies.

Frapper un os
Pour Jacques Duchesneau, il faut utiliser l’expression au sens propre. Les squelettes dans le placard, ce sont les ossements de Martin Suazo, jeune voleur à la tire, abattu en 95 d’une balle à la tête par un policier, alors que Duchesneau dirigeait le SPCUM.

La semaine dernière, l’avocat de la famille de la victime a interrogé un témoin qu’on n’avait pas jugé bon d’entendre lors de l’enquête du coroner sur la mort de Suazo, le lieutenant Pablo Palacios. Il a contredit tous les arguments qui avaient permis de blanchir le tireur: le suspect était maîtrisé, il ne se débattait pas, et le policier qui l’a abattu aurait tenté seul de l’arrêter, pistolet sur le crâne, ce qui est contraire au règlement. Le policier, lui, s’en est tiré sans reproches.
Or, toujours la semaine dernière, le même Pablo a intenté une poursuite de 651 000 $ en diffamation contre Duchesneau. En conflit larvé contre Palacios, l’ex-chef de police avait affirmé publiquement que le lieutenant était «irrespectueux envers ses collègues», histoire d’expliquer pourquoi son service avait porté trente et une plaintes disciplinaires (toujours non résolues) contre lui, au lendemain de son acquittement pour voies de fait. Pendant ce procès, piloté par le SPCUM, on y avait appris, entre autres, que les enquêteurs des Affaires internes (qui se rapportent directement au chef) ont incité le propriétaire d’un bar à accuser faussement Palacios de l’avoir giflé.

Nul doute que les deux affaires vont se télescoper au cours des prochains mois et qu’elles hanteront la campagne de Duchesneau. C’est ce qu’on appelle frapper un os.

La nuit des morts vivants
Et le placard de Jean Doré? D’ici le 1er novembre, il aura à faire face à une nouvelle adaptation de La Nuit des morts vivants:
– la Corporation du 350e de Montréal, dont les contrats douteux n’ont subi aucun examen comptable;
– les sociétés paramunicipales qui ont investi dans l’immobilier et accumulé une dette de 600 millions de dollars;
– les pissoirs à chien et la fameuse fenêtre de 300 000 dollars du bureau du maire, à l’hôtel de ville;
– ses budgets du régime RCM, dont les six premières éditions ont enregistré des hausses moyennes du double de l’inflation.
La carrière politique de Jean Doré est jonchée de squelettes. C’est l’équivalent des cimetières de Vimy, du Père-Lachaise et de Côte-des-Neiges réunis.