Société

Fusions chez les médias : Les noces d’or

Au cours des dernières semaines, le monde des médias a été secoué par des fusions toutes plus spectaculaires les unes que les autres. Pourquoi ce branle-bas de combat?

Dans l’édition de janvier 2000 du magazine Brill’s Content, l’historien américain David Halberstam consacre deux bonnes phrases au phénomène des fusions:

1) «Synergy is one of the great bullshit words of all time.»

2) «L’objectif de ces fusions n’est jamais d’améliorer le service. Les personnes auxquelles s’intéressent les grands conglomérats ne sont pas celles qui achètent les journaux ni celles qui regardent la télévision. Les conglomérats s’intéressent uniquement aux actionnaires.»

Au cours des dernières semaines, le monde des médias a été secoué par des fusions toutes plus spectaculaires les unes que les autres. Au Québec, deux transactions ont transformé notre petit paysage médiatique: l’achat des magazines Trustar (7 Jours, Dernière Heure, 50 % de TV Hebdo) par le Groupe TVA, suivi de l’achat des magazines de Télémédia (Elle Québec, Coup de pouce, 50 % de TV Hebdo) par le Groupe Transcontinental. Pourquoi ce branle-bas de combat? Pour consolider des groupes qui pourront, entre autres, se positionner sur Internet en offrant de grands sites thématiques où l’on retrouvera un contenu taillé sur mesure pour chaque type de clientèle.

Imaginez: vous feuilletez votre magazine de mode préféré, vous admirez la dernière création Armani (je fabule), et vous la voulez. Avant, la distance qui vous séparait de la boutique vous protégeait d’un achat impulsif. Plus maintenant. Une simple pression du doigt et clic, le processus est enclenché. Le veston de vos rêves vous sera livré dans les vingt-quatre heures…

Cette nouvelle réalité fait déjà saliver les actionnaires des grands groupes de communication qui joueront désormais le rôle d’entremetteurs de luxe en livrant sur un plateau d’argent une horde de consommateurs compulsifs à des annonceurs affamés.

Un exemple de cela: le site GenerationA.com, lancé en novembre dernier aux États-Unis, et destiné aux cinquante ans et plus. On y retrouve des rubriques axées sur les boomers (sports, voyages, finances personnelles, etc.), des groupes de discussion et des liens vers des sites transactionnels comme une pharmacie virtuelle. Le site a en outre embauché un couple d’acteurs bien connus (dans la cinquantaine, il va sans dire) qui joueront le rôle d’hôtes. Après tout, il faut bien humaniser ces environnements si impersonnels.

Voilà le type de convergence auquel il faut s’attendre au cours des prochains mois.

Donnez-moi de l’Oxygen
«Une autre bonne raison d’être une femme.» C’est le slogan publicitaire d’Oxygen Media, un site Internet américain destiné aux femmes «qui ont de l’argent et qui contrôlent leur vie».

Son contenu ressemble à la plupart des magazines féminins: un peu d’information, des conseils pratiques, des recettes, des lieux de discussion, un espace pour les ados, un autre pour les mamans, des annonceurs de serviettes sanitaires et des pubs de shampoings pour cheveux teints. Bref, rien de très révolutionnaire. Ceux qui croyaient qu’on ferait les choses autrement sur Internet peuvent aller se rhabiller. Les ghettos médiatiques existent aussi dans le cyberespace.

Mardi dernier, Oxygen Media a lancé sa chaîne de télévision câblée. Pour l’instant, Oxygen TV n’est offerte qu’à environ dix millions d’Américaines car certains grands cablôdistributeurs comme Time-Warner ont refusé de payer pour distribuer cette nouvelle chaîne.

Parmi les actionnaires d’Oxygen, on retrouve le nom d’Oprah Winfrey, celle qui transforme en or tout ce qu’elle touche. Oprah parle d’un livre? L’éditeur en commande cinq cent mille exemplaires. A&E présente sa biographie? L’émission se retrouve en troisième position au palmarès des émissions les plus regardées. Son pouvoir d’attraction est immense et va sans doute contribuer au succès d’Oxygen TV puisqu’elle y animera un talk-show hebdomadaire.

Mais tout le monde sait que le succès d’Oxygen ne reposera pas tellement sur son contenu mais sur le nombre d’abonnés que lui fournira le câble. Comme AOL est au nombre des actionnaires d’Oxygen, la récente fusion avec Time-Warner devrait lui faciliter la vie.

Aux États-Unis, Oxygen est la deuxième télé destinée aux femmes après Lifetime. Au Canada, il y a Women’s Television, produite dans l’Ouest et disponible au Québec via la télé numérique.

Du côté québécois, on sait que le Groupe Transcontinental s’apprête à lancer un portail féminin sur Internet. Au petit écran, Canal Vie est ce qui se rapproche le plus d’Oxygen mais ce n’est pas tout à fait ça. Pour l’instant, aucun projet de télé en français pour les femmes n’a été déposé au CRTC.

Attention, télé subversive
Si l’idée d’une télé conçue exclusivement pour les femmes ne m’enchante guère, il faut reconnaître que la télé au féminin est ce qui se fait de mieux ces jours-ci. Attention, on ne parle pas d’émissions à la Martha Stewart mais plutôt de séries comme Sex and the City et Smack the Pony.

La série-culte Sex and the City (Bravo!, vendredi à minuit, samedi à 23 h) sera désormais présentée en version doublée sur Séries + (offert gratuitement jusqu’au 1er avril). Dans le premier épisode, présenté samedi à 21 h 30, la sexcolumnist Carrie et ses copines se demandent quelle différence cela ferait si les femmes baisaient comme des hommes, c’est-à-dire «sans scrupule et sans aucune considération pour l’autre».

Sex and the City est une adaptation des chroniques sur les moeurs sexuelles de l’élite new-yorkaise publiées dans le New York Observer.

C’est intelligent, piquant et très cru. La version française est acceptable, à condition que les expressions «nana» et «popotin» ne vous tapent pas trop sur les nerfs.

Autre émission qui vaudra sans doute le détour: Smack the Pony (début: samedi 23 h 45 sur Bravo!), une série de sketchs mettant en vedette trois humoristes britanniques qui décortiquent – je vous le donne en mille – les stéréotypes dans les relations homme-femme. Encore une fois, on promet un ton décapant et des propos subversifs. Inutile de dire qu’aux États-Unis, le succès de Sex and the City fera des petits. Selon le magazine Entertainment Weekly, ABC et Fox développeraient chacun de son côté des versions masculines d’émissions inspirées par Sex and the City (Des gars qui parlent de leurs prouesses sexuelles? Comme c’est original!).

Chez nous, pendant ce temps-là, on a Histoires de filles et Catherine, deux sitcoms québécoises mettant en scène des univers féminins. Je n’ose pas la comparaison, ce serait trop odieux.

Coup d’oeil
Cuba: la révolution musicale

Une équipe de Musimax s’est rendue au royaume du Havana pour interviewer les vedettes de l’heure, les membres du groupe Buena Vista Social Club. Ils nous parlent entre autres de l’origine de la musique cubaine et des phénomènes latinos comme Ricky Martin et Jennifer Lopez. Wim Wenders répond également aux questions du journaliste Jocelyn Cano. Aye! aye! aye! Jeudi 3 février, 21 h. Samedi 5 février, 18 h. Musimax.

Cabaret neiges noires: le film
Très beau film de Raymond Saint-Jean qui risque de décoiffer l’auditoire naturel des Beaux Dimanches. Moins festif et plus noir que la pièce de Dominic Champagne et compagnie, le film offre un point de vue différent et ravira surtout les nostalgiques de cette messe pour une génération dite désabusée. Dimanche 6 février à 22 h 40. Radio-Canada.