Sondage exclusif sur la jeunesse : Au-delà des apparences
Société

Sondage exclusif sur la jeunesse : Au-delà des apparences

Si l’on se fie au stéréotype, le jeune moyen est un marginal nihiliste qui vit avec huit colocs, appuie la légalisation du pot et croule sous les dettes. Mais les résultats d’un sondage exclusif effectué par la firme LÉGER & LÉGER, à la demande de VOIR et de l’émission d’affaires publiques LE POINT, nous montre une tout autre réalité. Les jeunes sont plus conservateurs et beaucoup moins cyniques qu’on ne le croit.

Que pensez-vous des résultats du sondage de Voir et du Point quant aux valeurs et à la situation économique des jeunes?

C’est le mardi 22 février que débutera le fameux Sommet du Québec et de la jeunesse. Pendant trois jours, des centaines de jeunes se réuniront dans la capitale nationale pour échanger sur la situation actuelle de la jeunesse québécoise et réfléchir à son avenir.
La «jeunesse» est un mot passe-partout, une formule creuse qu’on sert à toutes les sauces. On ne compte plus le nombre de choses qui se disent et s’écrivent sur la jeunesse québécoise. Mais qu’en est-il, au juste? Comment se porte-t-elle vraiment? Que pensent les jeunes de leur situation?
Pour le savoir, nous avons, en collaboration avec l’émission Le Point, de Radio-Canada, commandé un sondage à la firme Léger & Léger. Six cent deux jeunes de quinze à trente-quatre ans vivant aux quatre coins de la province ont répondu à une vingtaine de questions portant sur leurs valeurs et sur leur situation économique. Pourquoi avoir choisi de nous concentrer sur ce dernier sujet? Parce que, qu’on le veuille ou non, l’économie sera le nerf de la guerre au Sommet.

La Bourse des valeurs
Première constatation: les jeunes Québécois sont beaucoup plus conservateurs qu’on ne le dit. 75 % d’entre eux croient en Dieu, et 48 % affirment que leurs croyances religieuses jouent un rôle important dans leurs décisions et leur vie quotidienne. (C’est monseigneur Turcotte qui va être content…)
De plus, 52 % des jeunes Québécois sont contre la légalisation des drogues douces à des fins autres que médicales! Un pourcentage qui égratigne une certaine image de la jeunesse, et qui n’encouragera certainement pas les autorités à faire avancer ce dossier que plusieurs croyaient presque dans la poche…
Deuxième constatation: malgré ce que plusieurs groupes de pression laissent entendre, les jeunes ne voient pas la vie en noir et ne croulent pas sous les dettes. 55 % croient que leur vie est plus facile que celle de leurs parents (contre 40 % qui pensent le contraire); et 75 % se disent peu endettés ou pas endettés du tout. Chez les étudiants, e taux grimpe à 84 %! Étranglés, les jeunes? Il semble que non. Du moins, ce n’est pas ainsi qu’ils se voient…
Troisième constatation: si les jeunes sont touchés par les problèmes qui affligent le Québec, ils ne passent pas à l’action pour autant. Lorsqu’on leur demande si, personnellement, il y a une cause sociale ou politique pour laquelle ils sont impliqués ou pour laquelle ils souhaiteraient s’impliquer, 72 % des jeunes répondent… AUCUNE! On est loin de Seattle… (Faut croire que leur foi les amène à adopter une position contemplative.)

Le coeur sur la main
Quatrième constatation: s’ils ne bougent pas, les jeunes gardent tout de même le coeur à gauche.
Lorsqu’on leur demande ce qu’ils feraient avec les surplus budgétaires s’ils étaient ministre des Finances, 52 % répondent qu’ils réinjecteraient de l’argent dans les services publics actuels, contre 31 % qui privilégieraient les baisses d’impôts, et 11 %, le remboursement de la dette. (Les cyniques diront que les jeunes, comme leurs aînés qu’ils ont tant critiqués, choisissent de régler les problèmes qui les affligent EUX, au lieu d’agir sur le long terme et de penser aux générations futures en assainissant les finances publiques…)
Quand on leur demande quelles organisations et institutions publiques leur inspirent le plus confiance, les associations engagées pour une cause arrivent en première position avec 44 %. Suivent les chefs d’entreprise (27 %), les médias (18 %), les syndicats (17 %), les représentants de l’Église (12 %), le gouvernement (10 %) et les partis politiques (4 %).
Et lorsqu’on leur demande quel est le plus grave problème que vit la société québécoise aujourd’hui, 18 % répondent la pauvreté et 16 %, le chômage. La violence n’obtient que 8 %; la détérioration du système de santé, 6 %; la perte des valeurs, 5 %; le matérialisme, 4 %; et le décrochage, 2 %. La dégradation de l’environnement, le racisme et le suicide chez les jeunes se retrouvent au fond du baril avec 1 % chacun, suivis du sida, qui récolte.. 0,5 %.

Noui
Et le débat constitutionnel, lui? Passionne-t-il les jeunes, ou les laisse-t-il complètement froids?
À question déchirante, réponse déchirée.
Quand on leur demande s’ils seraient prêts à voter Oui à «un prochain référendum sur la souveraineté du Québec assortie d’une offre de partenariat économique et politique avec le reste du Canada», 24 % des jeunes répondent «Certainement»; 23 %, «Probablement»; 17 %, «Probablement pas», et 29 %, «Certainement pas». (6 % disent ne pas savoir, et 2 % ont refusé de répondre.)
Sortez votre calculette: ça fait 47 % pour le Oui et 46 % pour le Non. Bref, les jeunes sont aussi déchirés que la population en général.
Les souverainistes peuvent interpréter ces résultats sous deux angles. Angle optimiste: les jeunes sont beaucoup moins écoeurés de la question constitutionnelle qu’on ne pouvait le croire. Angle pessimiste: le vote des jeunes n’est pas gagné d’avance, loin de là. Il est faux de croire que parce qu’on est jeune, on vote AUTOMATIQUEMENT Oui. Le PQ a beaucoup, beaucoup de chemin à faire pour convaincre les jeunes du bien-fondé de son option. Mauvaise nouvelle pour Lucien Bouchard et ses acolytes qui – c’est un secret de Polichinelle – aimeraient bien profiter de la tenue du Sommet pour gagner le coeur (et le vote) des moins de trente-cinq ans.

Eldorado
La plupart du temps, lorsqu’on entend parler des jeunes, c’est en termes sombres: ils sont nihilistes, endettés, pessimistes, et tirent le diable par la queue. Or, les résultats de ce sondage brossent un tout autre portrait. Les jeunes disent qu’ils ne sont pas endettés, qu’ils considèrent que leur vie est plus facile que celle de leurs parents, qu’ils croient en Dieu…
«Je n’en reviens pas comme les jeunes sont à droite!» de dire un de nos collaborateurs. Est-ce vraiment le terme à employer? Disons qu’ils broient moins de noir qu’on ne le pense.
Et que, contrairement à ce que nous répètent trop souvent les médias, leur vie ne ressemble pas à un film de Chales Binamé.
Le questionnaire du sondage a été rédigé par la firme Léger & Léger, en collaboration avec André Desève, coordonnateur de la recherche à la salle des nouvelles de Radio-Canada; François Rebello, président sortant de Force Jeunesse, et Richard Martineau.


Méthodologie du sondage

  Six cent deux personnes ont répondu au questionnaire. Les entrevues ont été réalisées entre le 1er et le 6 février.

  La population étudiée est constituée de Québécoises et de Québécois âgé(e)s de quinze à trente-quatre ans, accessibles par téléphone, et pouvant s’exprimer en français ou en anglais.

  L’ensemble des résultats a été pondéré selon le sexe, l’âge, et la langue parlée à la maison, afin de rendre l’échantillon représentatif des 15-34 ans du Québec.

  Marge d’erreur maximale: plus ou moins 4,0 %. Intervalle de confiance: 95,0 %.