Société

Droit de cité : La vie en gris

Il paraît que c’est la fête chez les cimentiers, ces temps-ci. Après chaque conférence de presse d’un ministre, c’est le party et on brasse la bière à même la bétonnière. Ils trinquent sans arrêt à la santé de l’avenir, sur le bras de leur proche avenir, qui s’annonce gris… béton. C’est bien simple, ça fait longtemps qu’on n’en avait pas vu d’aussi gris que celui-là.
Depuis quelques mois, chaque fois qu’un ministre convoque la presse à Montréal, c’est pour annoncer des millions, des centaines de millions de dollars d’investissement dans l’industrie du béton.
Un CHUM pour les francophones, un MUHC pour les anglophones, un Palais des congrès, un stade pour les Expos, une arcade de mille mégatonnes dans le Vieux-Port, un centre d’interprétation du castor canadien au canal Lachine pour faire contrepoids à la Très Indubitable Bibliothèque des deux madames B (Beaudoin et Bissonnette).
Une cité du cirque, une autre du multimédia, entre un quartier international, le tout relié par trois nouvelles autoroutes et quatre ponts, qui desserviront douze gigacliniques ambulatoires en banlieue, où les gens recevront leurs vaccins contre les bibittes du Sud, avant de rejoindre la nouvelle jetée internationale de Dorval via a) un train léger; b) un monorail; c) un métro trans-Québec. Au choix.
Fiou!
Au train où vont les annonces d’investissements, le déficit va revenir au quai d’embarquement avant même que le chef de gare n’ait eu le temps de siffler le départ. Il doit bien y en avoir pour au moins dix milliards de dollars, qui coûteront un autre dix milliards de plus par année à entretenir une fois la chose complétée.
C’est un risque, et c’est le prix à payer pour être audacieux, nous dit le gouvernement. «Le temps est venu d’être audacieux à nouveau», a confirmé Guy Chevrette, un politicien qui rappelle la belle époque d’Adélard Godbout.
Bientôt, ils seront des dizaines de politiciens à poser pour la postérité, pelle chromée à la main.
Tous ces projets constituent en quelque sorte l’art rupetre de l’an 3000. On imagine déjà les archéologues en 3098 devant les restes du Stade olympique. «Le dôme blanc illustre parfaitement le crâne du chef de la tribu.»
En fait, les politiciens utilisent ces «nouveaux équipements» pour laisser leurs traces et marquer bêtement leur territoire, comme les chats qui pissent aux quatre coins de ma cour arrière.
Alors, quand un journaliste ose émettre une critique, un doute, ou poser une question qui le tarabuste, il envahit le domaine «marqué» du ministre. Avant, le ministre accusait ces journalistes malotrus d’être manipulés par les communisses; aujourd’hui, il dit qu’ils sont manipulés par des «groupes d’intérêts». Autre temps, autres accusations.
C’est ainsi qu’a été accueillie notre remarque concernant le passage de la voie ferrée près du futur CHUM, il y a trois semaines alors que nous étions les premiers à évoquer ce danger. Comme si les citoyens étaient incapables d’indépendance d’esprit…
Non, nous n’avons pas été manipulés! Les groupes d’intérêts, on ne les connaît pas. Nous avons seulement fait notre boulot critique, de plus en plus essentiel dans une société qui carbure au consensus, où tous ceux qui n’ont pas été invités à faire partie de la gargantuesque table de concertation sont condamnés à se prosterner au pied du CHUM Marois. Comme les Égyptiens devant Khéops, lors de l’open house de la pyramide de Gizeh.
Tiens, pour prouver à la ministre Marois notre bonne foi, nous allons passer au blender son vis-à-vis libéral, Jean-Paul Gobé, porte-parole en Santé de l’opposition. Monsieur Gobé, un député de l’Est de Montréal, a accusé la ministre Marois de favoritisme pour avoir choisi un comté péquiste pour son CHUM. S’il avait été ministre de la Santé, il l’aurait plutôt installé à Rivière-des-Prairies, dans son comté!!! C’est quasiment plus proche de l’Université Laval que de celle de Montréal…
Au moins, madame la ministre, vous avez compris qu’on ne place pas la cabane à oiseaux sur le parterre et la niche du chien dans l’arbre. Mais quan même, le train, y avez-vous pensé avant?

Bourque le colomb
Lucien Bouchard, les péquistes, les libéraux et toute la gibelotte de vieux parvenus que forment les hommes du Québec inc. ont convenu du consensus à adopter, la veille du Sommet de la jeunesse, alors qu’ils étaient réunis dans un grand restaurant aux frais de la princesse, en bons vieux chevaliers de Colomb.
Et devinez quoi? Pierre Bourque était présent. Qu’est-ce qu’il foutait là? C’est la même question qui se pose à propos de son voyage à Trinité-et-Tobago en mars prochain.
Pierre Bourque explique sa présence à cette de nuit de vadrouille par le fait qu’il est très préoccupé par les jeunes… Sa Fondation pour les jeunes, les jeunes de Montréal, le coeur de la jeunesse québécoise, bla-bla-bla… la jeunesse multiculturelle, bla-bla-bla…
Voyez-vous, c’est ça, le problème, avec les consensus: on parle en votre nom sans même que vous le sachiez. Et on dit n’importe quoi.