La Journée des femmes : L'héritage
Société

La Journée des femmes : L’héritage

Simonne Monet-Chartrand est devenue une icône populaire. Mais que pensent les jeunes filles d’aujourd’hui des féministes d’antan? Ces figures légendaires les inspirent-elles? La passion qui animait les militantes des années 60 et 70 résonne-t-elle encore? Que reste-t-il de toutes ces luttes? Pour AUDE MALTAIS-LANDRY, vingt ans, la flamme qui allumait Simonne et compagnie continue de brûler…

Difficile de parler des femmes et de leur avenir sans tomber dans le déjà vu, le déjà dit, le déjà répété et le déjà mâchouillé; sans donner dans les éternels bilans et procès du féminisme; sans comparer de nouveau la situation des Québécoises avec celle des Africaines excisées.

Difficile, bref, de trouver une façon originale d’aborder la question. J’ai beau la tourner dans tous les sens depuis quelques jours, je ne sais pas par où prendre ce sujet trop vaste. Il faut dire que je ne passe pas mes journées à me demander ce que ça change d’être née femme plutôt qu’homme.

Peut-être faut-il voir dans cette apparente indifférence un résultat des «victoires féministes». En effet, si ma génération ne se sent pas obligée de lutter quotidiennement pour l’équité sociale, c’est sans doute qu’il y a eu progrès.

La vie et rien d’autre
Personnellement, ce qui me touche, chez les féministes de la génération précédente, ce n’est pas tant leurs luttes pour le droit de vote et contre la domination patriarcale, que leur personnalité, la petite flamme qui les gardait en vie.

Car si je ne me sens pas militante, j’admire celles qui ont mis l’épaule à la roue, toutes ces femmes plus âgées qui se sont éloignées des stéréotypes, qui ont refusé de s’enraciner dans l’immobilisme angoissant d’une vie rangée qui ne leur convenait pas. Qui, à quarante ou cinquante ans, ont tout balancé et sont parties à l’aventure. Ou qui, même si c’est moins spectaculaire, ont simplement relevé le défi de rester fidèles à elles-mêmes toute leur vie.

Je ne dis pas qu’elles sont parfaites, toujours heureuses, ni qu’elles ont trouvé la vérité avec un grand V. Mais elles me semblent humaines et vivantes. Chacune à leur façon, elles sont des modèles pour la jeune fille un peu déboussolée que je suis.

Modèles dans leur volonté de rester jeunes dans leur coeur et dans leur vie, dans leur désir d’intégrité, dans la passion qui les anime, dans leurs angoisses qui ressemblent aux miennes, dans leur façon de dealer avec l’incertitude, dans leur sincérité quand elles se remettent en question, dans leur refus du conformisme et de la morosité qui s’installe avec les années. Modèles dans leur refus de mourir avant d’être enterrées.

Je ne sais pas par quoi doit passer l’avenir des femmes, mais je sais que je ne veux pas être une morte vivante. C’est peut-être la seule chose dont je sois certaine. Parce que pour le reste, l’avenir me paraît plutôt vague et abstrait.

Gars ou filles, on est tous plus ou moins dans le même bateau. Personne ne sait vraiment où il s’en va, les balises ont toutes foutu le camp…

Inventer une autre façon d’être
Même si leurs combats ne nous rejoignent plus nécessairement, je crois que les femmes de ma génération poursuivent, chacune dans leur coin, une lutte semblable à celle des féministes des années 60-70. La plupart des filles qui m’entourent partagent toutes cette constante: un désir de créer d’autres modèles de vie, quelque part entre le bungalow de Fabreville et la commune de l’Estrie. Une sorte de melting-pot encore à définir, qui réconcilierait toutes les dimensions de la vie. Personnellement, je ne connais aucune fille qui serait prête à tout laisser tomber pour suivre un gars «à la vie, à la mort». Aucune autre non plus qui ne soit carriériste au point de balancer tout le reste. Entre désirs et responsabilités, les filles – comme les gars, d’ailleurs – cherchent une façon d’être au milieu de tout ce qu’on leur propose comme modèles.
De toute façon, qu’est-ce qu’être femme, aujourd’hui? À part la possibilité de porter un enfant, je ne me sens pas particulièrement femme. À force de se faire dire qu’on était «autant capables que les gars», les filles de ma génération ont fini par le croire et par agir comme tel. Ne pensez pas que je vois cela d’un mauvais oeil; simplement, ça rend les choses fichtrement compliquées quand il s’agit de différencier les deux sexes.
Mais baignée depuis sa naissance dans un monde où les possibilités, humaines ou technologiques, semblent se multiplier à une vitesse exponentielle, ma génération a pris l’habitude de vivre dans un monde où rien n’est jamais vraiment défini, l’avenir comme le reste. Qui sait? Si l’écart entre hommes et femmes continue de s’amenuiser, peut-être un jour fêterons-nous la journée internationale des hermaphrodites…