Profession: cheerleader : Go, girl, go!
Société

Profession: cheerleader : Go, girl, go!

Samedi dernier avaient lieu les auditions des cheerleaders pour les Alouettes de Montréal. Sur une centaine de candidates, dix-neuf seulement sont reparties le sourire aux lèvres et le froufrou sous le bras. Les juges ont eu la vie dure…

Sous les lustres de la très chic salle de réception des bureaux de la Brasserie Molson, une centaine de jeunes femmes en camisole et en collants pratiquent leur chorégraphie. Pour l’occasion, les tables ont été poussées dans un coin, et les hauts-parleurs frêles – qui doivent d’habitude servir à diffuser de la musique d’ascenseur – crachent du dance à fond la caisse. À neuf heures le samedi matin, le moins que l’on puisse dire, c’est que ça réveille.
«Dans ton article, écris pas qu’on est une gang de pitounes en manque d’attention qui veulent cruiser tout ce qui bouge: c’est pas du tout ça.» Assise sur un tabouret pour reprendre son souffle, Kim Legruiec, étudiante en arts et lettres au Cégep Maisonneuve, tenait à ce que le journaliste mâle rapporte un portrait fidèle d’une situation essentiellement féminine. Selon elle, quand les gars causent cheerleaders, ce n’est pas tant pour louanger leur sens aigu du rythme, ou leur maîtrise renversante de l’équilibre, que pour deviser sur ce qu’ils feraient, avec qui, et dans quelle position.
Donc, les gars, sachez que les cheerleaders se foutent de ce que vous pensez d’elles: leur trip, c’est la danse.
«Ça fait plus de dix ans que je danse, raconte Kim. Aujourd’hui, c’est ma chance de passer dans les ligues majeures et d’évoluer dans une structure encadrée et professionnelle. Disons que ça fait quelques nuits que j’ai de la misère à dormir…»
Patricia Giguère, traductrice de formation et représentante chez Bell, en est quant à elle à sa cinquième saison avec l’équipe. Elle est venue pour encourager les nouvelles recrues. «Aujourd’hui, c’est superstressant pour les filles, dit-elle en continuant de fixer celles qui passent en revue devant les juges. C’est bien plus exigeant de danser devant huit juges que devant les 19 461 spectateurs qui assistent aux matchs des Alouettes. Les juges, eux, sont hyper concentrés: ils t’examinent des pieds à la tête!»BR>Jeunes, jolies, sportives: les filles qui cherchent à devenir cheerleaders ont plusieurs points en commun. Mais, contrairement à la croyance populaire, elles ne sont pas toutes des mannequins boulimiques qui passent chez le chirurgien esthétique comme on va à la banque. «Aux États-Unis, par contre, c’est beaucoup plus difficile de devenir cheerleader, explique Claudia-Maude Mailloux, vingt-trois ans, étudiante en massothérapie. Là-bas, si on ne te voit pas les côtes à travers la peau, tu es considérée comme obèse. Ici, les juges regardent aussi ton attitude. Il faut être souriante, dynamique, avoir une bonne expérience en danse, et montrer que l’on est vraiment intéressée à faire partie de l’équipe. Et la concurrence est forte… Tu vois, même si aujourd’hui on se lance des sourires et on se supporte mutuellement, les filles savent toutes qu’elles sont en compétion les unes avec les autres…»

En plus de devoir apprendre une chorégraphie sur place et de la présenter illico devant les juges, les candidates doivent répondre à des questions sur leur personnalité et leur motivation, histoire de voir si elles ont le feu sacré pour joindre les rangs de la seule équipe professionnelle de cheerleaders de la province. Les heureuses élues – dix-neuf sont choisies parmi une centaine de candidates – devront assister à deux ou trois soirées d’entraînement par semaine, et danser lors d’événements de promotion des commanditaires, en plus des matchs des Alouettes… Tout ça, sans parler du boulot ou des études durant la journée. «La danse, c’est un monde à part, c’est une passion, explique Sophie Lacombe, vingt-six ans, éducatrice en service de garde et cheerleader depuis trois ans. Le jour, je fais ma job comme tout le monde; mais le soir, je retrouve les filles au gym, et c’est là que je lâche mon fou. Je ne pourrais plus m’en passer…»
Et le salaire, dans tout cela? Trente-trois dollars par partie, soit tout jste dix dollars de l’heure. Et quand elles veulent assister à un événement d’envergure nationale, comme le rassemblement des cheerleaders qui avait lieu à Vancouver l’an dernier, elles doivent organiser elles-mêmes des levées de fonds pour pouvoir s’y rendre. L’an dernier, elles ont choisi de vendre des calendriers. «Le salaire, je n’y pense pas vraiment, lance Sophie Lacombe. Je fais ce que j’aime, je me garde en forme. Le reste, c’est pas important.»
«Pis toi, t’as jamais eu envie de devenir danseur?»