Opposition au projet C-23 : Ciel, ma famille!
Société

Opposition au projet C-23 : Ciel, ma famille!

Nos représentants fédéraux adopteront sous peu le projet de loi C-23 modifiant plus de 68 lois afin d’éliminer la discrimination envers les couples homosexuels. Pour les groupes défendant les «valeurs traditionnelles», cette loi annonce le début de la fin de la civilisation. Voyage au pays des  homophobes.

Si le projet de loi C-23 est adopté tel quel, les fondements de notre société pourraient s’effondrer et nous conduire à notre perte.
C’est, du moins, ce que pense le porte-parole de la Conférence des évêques catholiques du Canada, Peter Shonenback, qui ne mâche pas ses mots. L’acceptation de l’homosexualité, dit-il, est néfaste. «C’est probablement une des choses qui a favorisé l’affaiblissement de l’Empire romain», lance-t-il.
Lors de notre entretien, monsieur Shonenback déplorait que le gouvernement fédéral n’ait pas défini la notion de mariage dans son projet – ce à quoi on a remédié depuis. Il entrevoit déjà le jour où les «lobbys» gais réclameront le droit au mariage et à l’adoption. «On ne veut pas juger les homosexuels, dire que ce sont de mauvaises gens. Mais, la famille est la cellule de base de la société.» Et, pour l’Église, une famille, c’est un père, une mère ainsi que des rejetons. La pierre angulaire d’une relation «normale» est la procréation.
Selon Peter Shonenback, les couples gais ne pourront jamais permettre à un enfant d’atteindre son plein potentiel. «La culture dans laquelle un enfant élevé par des homosexuels se développe est beaucoup plus permissive. Elle n’est pas ouverte, elle est renfermée. On développe une obsession sur certains éléments sexuels. Le couple homosexuel tant à être beaucoup plus fermé que le couple hétéro.»
Qu’adviendra-t-il si le gouvernement maintient sa position? Il y aura plus de problèmes sociaux, clame monsieur Shonenback. «C’est certain que l’Église va être là pour ramasser les morceaux.»
Diane Watts, porte-parole de REAL Women, un groupe comptant plus de cinquante-cinq mille membres partout au pays, n’en revient tout simplement pas. «On va mettre les homosexuels sur le même niveau que les hétérosexuels. Nous trouvons que ça n’a pas de bon sens!»
Tout comme l’Église, madame Watts entrevoit déjà l’acceptation des mariages entre conjoints de même sexe. «Ce n’est pas ce qu’il y a de mieux pour les enfants», lanc-t-elle.
Diane Watts affirme que la pornographie est omniprésente dans l’univers homosexuel. «La pornographie, ça fait partie de leur identité, de leur culture et de leur sexualité. Ce n’est pas comme les hétérosexuels, avance-t-elle pour justifier ses opinions. C’est un milieu de vie malsain pour un jeune enfant.»
Cependant, madame Watts ne se fait pas d’illusions. Son point de vue n’a pas la faveur de la majorité à la Chambre des communes. Selon elle, le gouvernement «penche toujours du bord des homosexuels».
Directeur des affaires publiques pour Focus on the Family, un groupe qui a dirigé une grande campagne de publicité contre le projet de loi C-23, Jim Sclater abonde dans le même sens. «Le gouvernement cède aux groupes de pression [homosexuels]… Ils sont puissants.» Selon lui, la population est loin d’appuyer cette démarche. «Si le gouvernement écoutait vraiment les gens, il verrait que c’est une opinion minoritaire et que C-23 va trop loin.»
En octroyant les mêmes droits à tous les conjoints de fait, la Chambre ferait donc fausse route et aurait une dangereuse autorité sur la jeunesse canadienne. «Si le gouvernement endosse cela, ça va influencer les jeunes.» Ainsi, l’institution du mariage sera dénaturée et les unions homosexuelles, consacrées.
Tout comme ses vis-à-vis cités plus haut, monsieur Sclater appréhende l’acceptation, a posteriori, des familles gaies et lesbiennes. «Ils n’ont pas les aptitudes biologiques et sociales pour élever des enfants.»
Toutefois, dans un élan de compassion, Jim Sclater tend une perche aux homosexuels qu’il affirme très bien saisir. «Il y a une raison sociologique pour l’homosexualité… Nous comprenons leur expérience, mais ce n’est pas immuable d’être homosexuel», croit-il fermement.
Malgré cet optimisme, le porte-parole de Canada Family Action, John Carpay, redoute comme la peste les regroupements de gais et lesbiennes. «Les activistes homosexuels ne sont jamais satisfaits, regrette-t-il. Ils se font entendre, ce qui et normal dans une société démocratique, mais on n’en voit jamais la fin. Il faut dire non.»
Monsieur Carpay redoute particulièrement l’insistance des «lobbys» homosexuels qui tenteraient d’entrer dans les écoles. «Ils veulent dire que c’est une chose naturelle et qu’il faut la célébrer.» Et que dire du potentiel d’adoption? «Je trouve cela très, très triste pour les enfants… Les homosexuels disent que le modèle [de l’autre sexe] sera l’enseignant ou le voisin. C’est ridicule», s’exclame-t-il avec véhémence.
Un élément réjouit cependant monsieur Carpay dans tout ce débat: dix députés bloquistes ont voté contre C-23 en deuxième lecture. «C’est merveilleux.»

Le Québec distinct?
Responsable du dossier au Bloc québécois, Réal Ménard ne veut surtout pas être assimilé à ces groupes extrémistes. «Ils sont profondément déphasés.» Il assure que ses députés ont peut-être «mal compris» la portée du projet de loi et que tout rentrera dans l’ordre d’ici la troisième lecture. Le chef, Gilles Duceppe, l’aiderait dans cet exercice de conscientisation.
Monsieur Ménard admet néanmoins que la reconnaissance des droits et obligations des couples de même sexe est une chose, mais que les mariages gais et l’adoption en est une autre, et que le consensus est loin d’être acquis au Bloc. «Il y a cette conviction que les homosexuels ne peuvent pas être parents», expose-t-il.
Directrice générale de la Coalition gais et lesbiennes du Québec, Claudine Ouellette est atterrée. «Plus ça va, plus j’ai la conviction qu’on ne sera jamais traité de façon égale au Canada… Je trouve extrêmement dangereux ce qui se passe au Canada. Les gens ne s’en rendent pas compte. C’est comme si les gens mariés allaient disparaître de la face de la planète à cause du mariage gai!»
La menace homophobe guette le Québec, selon elle. «Elle est très forte en Ontario. C’est proche, ça!» Madame Ouellette affirme tout de même que le Québec est un îlot distinct. «Le peuple québécois a beaucoup plus de dicernement», conclut-elle.
Le conseiller de Preston Manning au Québec, Gilles Saint-Laurent, devait nous recontacter afin d’expliquer le pourquoi du vote en bloc des réformistes contre C-23. Malheureusement, il semble qu’il ait changé d’avis.
La semaine dernière, devant la controverse soulevée par son projet de loi, l’équipe de Jean Chrétien a fait un pas en arrière et amendé le projet afin de calmer le jeu: le mariage demeure «l’union légitime d’un homme et d’une femme à l’exclusion de toute autre personne.» Une remarque destinée à calmer les groupes défendant les «valeurs traditionnelles canadiennes»…