Symfolium 2000 : Fous furieux

«L’oppresseur ne compose jamais avec le rire», peut-on lire sur une grande banderole suspendue depuis quelques jours au-dessus de l’avenue du Mont-Royal. C’est là un des nombreux slogans politico-burlesques qui annoncent le Symfolium, la fête du rire et de l’autodérision qui prendra la ville d’assaut durant la première semaine du mois d’avril. «Si tu savais combien de fax j’ai envoyés pour avoir la permission de poser cette banderole-là!» laisse tomber l’inépuisable François Gourd, VIP (véritable idiot professionnel), ex-entartiste, et organisateur de l’événement – comme si le fait de se buter à des procédures administratives lui donnait une raison supplémentaire de travailler à promouvoir la folie…
Une autre banderole sur laquelle on peut lire «Entartons les pompeux cornichons» attend d’ailleurs d’être affichée. «Nous allons la mettre en face du TNM, qui est un des partenaires de l’événement. Je me demande combien de temps elle va rester là…»
Plus de deux cent cinquante artistes, conférenciers, auteurs et performeurs de tout acabit vont envahir le Plateau durant une semaine pour donner vie à ce festival juste pour rire, version «trip d’acide». Cabarets d’incantation à la folie, Concours de discours absurdes et révolutionnaires (présidé notamment par Michel Chartrand et Francine Grimaldi), Gala des Pâtissiers sans frontières (lire: entarteurs) sont quelques-uns des coups montés qui seront présentés au cours de la semaine. Parmi les événements les plus éclatés: une troupe de théâtre de Kanesatake viendra faire la Cérémonie du langage – un exercice traditionnel où les Mohawks rient de leurs chefs -, tandis qu’Armand Vaillancourt exposera ses oeuvres… chez Provigo.
«On a dit aux gens: "Venez nous montrer ce que vous faites, et non ce qu’il faut faire", explique Gourd. Le Symfolium, c’est un forum de deux cent cinquante personnes qui viennent nous montrer de quel bois elles se chauffent. À Montréal, c’est du jamais vu.»
Durant toute la semaine, la Cinémathèque offrira une programme burlesqe spécialement concocté pour l’occasion; la maison de la culture du Plateau-Mont-Royal sera l’hôte de plusieurs événements et conférences et des spectacles gratuits se dérouleront au Lion d’or. Et ça promet aussi de faire du bruit à l’extérieur. En lisant le programme, on apprend que le Symfolium prendra son envol au parc La Fontaine, où l’ensemble de percussions Zuruba «nous fera vibrer au rythme brésilien de la folie», dans le cadre d’une grande parade costumée qui traversera le quartier pour finir par une danse organisée devant le métro Mont-Royal. Ce sont les agents du poste 33 qui vont être contents…

Humour engagé
Terrorisme burlesque, résistance par l’absurde, folie créatrice engagée: les thèmes des «ateliers» du Symfolium ont une connotation franchement politique. Les organisateurs ont notamment invité Tim Liacas, journaliste à la revue activiste Adbusters, ainsi que le réalisateur Pierre Carles, rendu célèbre par Pas vus, pas pris, son documentaire sur les tabous de la télé française.
«L’idée, c’est d’essayer de faire bouger les choses en utilisant la folie, explique Gourd. Ce n’est pas juste pour rire, c’est aussi pour découvrir, pour s’ouvrir… Adbusters, ça a aussi quelque chose d’absurde: en faisant de l’anti-publicité, ils réussissent à être drôles à leur façon. Tous ceux qui viendront mettent leur voix au service d’une grande prise de conscience. Robert Dehoux, un ancien situationniste de soixante-douze ans, viendra nous parler: il est super drôle, mais ce n’est pas de l’humour gratuit, ça brasse la cage. Il y aura aussi Wes Scoop Nisker, un Californien qui vient d’écrire un livre qui s’intitule If You Don’t Like the News, Go Out and Make Some of Your Own… Bref, ce sont des gens issus des milieux alternatifs et qui ont des choses très intéressantes à dire.»
Avec une telle concentration d’anarchistes-burlesques au kilomètre carré, on peut s’attendre à tout. Au nombre des invités, on compte d’ailleurs les huit entarteurs belges à l’origine du muvement qui a eu des échos partout à travers le monde. «C’est sûr qu’en faisant venir tous les tannants du monde ici, on crée un climat propice aux coups d’éclat… Les esprits vont être en ébullition!»
En organisant ce grand tintamarre de l’absurde, François Gourd dit vouloir servir la cause de l’humour et de la folie, tout en faisant un pied de nez à ceux qui prétendent nous diriger. «J’aime donner la parole aux gens qui osent être différents: ce sont ceux qui font bouger les choses. Je pense au docteur Patch Adams, qui a soigné gratuitement vingt mille personnes en vingt ans! Ce sont des gens qui n’acceptent pas de rentrer dans le rang. C’est pour ça que la plupart des hommes et des femmes politiques m’ennuient terriblement. Au début, on avait pensé en inviter quelques-uns au Concours des discours absurdes et révolutionnaires, mais on a finalement abandonné l’idée parce que leur discours n’est pas révolutionnaire, il est seulement absurde… Regarde Richard Desjardins: même un an après son film, il est obligé d’écrire une lettre d’une page dans Le Devoir parce que le gouvernement n’a pas encore compris!»
Le Symfolium se terminera le dimanche 9 avril, par un événement qui risque de faire jaser: un brunch naturiste «rien à cacher, rien à branler», qui aura lieu au Quai des Brumes. Les participants sont invités à venir manger des oeufs et des rôties dans leur plus simple appareil… François Gourd craint-il que l’escouade de la moralité débarque? «Si les policiers veulent venir, il n’y a pas de problème: en autant qu’ils se mettent à poil…»

Symfolium international de folle sagesse et de folie engagée
Du 1er au 9 avril
TNM, Lion d’or, Cinémathèque québécoise, Quai des Brumes, Biosphère, maison de la culture du Plateau-Mont-Royal.

Info et calendrier: www.symfolium2000.org