Société

Droit de cité : Méchantes vidanges!

En environnement, le bulletin de mauvaise conduite des gouvernements est touffu. Si je prends seulement les dossiers que je collectionne à cet égard, il y a assez de papier pour raser quelques hectares de forêt boréale autour du chalet de Richard Desjardins.

Souvent, les politiques et programmes à caractère environnemental sont à la protection de l’environnement ce que Pif Gadget est à la conquête de l’espace.

Or, quand le gouvernement fait bon usage de son ministère de l’Environnement, c’est un événement qui mérite d’être célébré. Sortez trompettes et musettes, c’est la farandole.

La semaine dernière, le ministre québécois de l’Environnement, Paul Bégin, a dit non à la Ville de Montréal pour l’installation d’un centre de transbordement des déchets à Saint-Henri. La raison? Le projet ne respecte pas les normes ayant trait à la distance des habitations ou d’un hôpital, soit moins de cent cinquante mètres. Dans ce cas-ci, le centre est à la fois trop près des maisons et d’un hôpital. Tellement près, d’ailleurs, que les gens du quartier pourraient aller porter leurs propres sacs verts, voire les lancer du balcon, pour ceux qui ont le bras bon et le compas dans l’oeil.

Pendant ce temps ailleurs
Les résidants du quartier Saint-Michel ont accueilli l’annonce de la création de centres de transbordement avec soulagement. Enfin, ils allaient pouvoir profiter du barbecue sans masque à gaz, dans moins d’une semaine, si le temps le permet.

C’est que depuis des années, l’ancienne carrière Miron qui borde leur quartier est la destination finale de nos deux cent mille tonnes de déchets par année.

Dans moins de dix jours, tout ça deviendra souvenirs, avec la fermeture du dépotoir, une (autre) promesse électorale. C’est à la carrière Miron que les campagnes électorales sombrent dans le gouffre. Chaque fois, il y a eu inflation de promesses – non pas sur le comment-sortir-Montréal-du-trou, mais sur le comment-on-pourrait-remplir-le-trou-de-Montréal. Ce coup-ci, la promesse a été tenue.

Mais si la carrière n’est plus notre gigantesque corbeille collective, il fallait se trouver d’autres trous à remplir. On en a déniché quelques-uns, dont à Sainte-Sophie, près de Saint-Jérôme, où c’est la consternation. (On dit que la semaine dernière, une petite rivière qui passe tout près du dépotoir s’est mise à bouillonner comme un pot-au-feu. Le MENVIQ enquête. De toute façon, ce n’est plus notre problème. Loin des yeux, loin de la conscience…)

Évidemment, si on enfouit nos déchets à soixante kilomètres de la ville, on ne peut pas envoyer chacun des camions de vidanges de la Ville là-bas. Sinon, il y aurait un bouchon d’éboueurs sur la 15. D’où l’idée des centres de transbordement. Il y en aura quatre. Dans ces centres, on prendra les vidanges du petit camion pour les compacter en une pâte juteuse, informe et malodorante, pour ensuite transborder ce tas de putréfaction dans un plus gros camion qui, lui, prendra la direction de Sainte-Sophie, Saint-Hubert ou Lanoraie. Comme dit le maire, c’est un sacré beau projet!

Mais voilà, un des quatre centres de transbordement, celui de Saint-Henri où transiteront tous les restants de table du Sud-Ouest, est situé à côté du futur hôpital anglophone, et derrière un pâté de maisons. Des maisons, il va sans dire, pas très cossues… Résultat: les citoyens se sont plaints, à juste titre.

Selon le maire, les jérémiades des citoyens de Saint-Henri ne sont qu’une autre expression du syndrome «pas dans ma cour».

C’est ce que dit la loi: les projets qui ne respectent pas les normes élémentaires ne peuvent pas être concrétisés, ni dans ma cour ni dans celle du voisin.

Violer des lois environnementales pour en respecter d’autres, ce n’est pas ce qu’on peut appeler de la bonne gestion.

Une bombe à retardement
Il y a déchets et déchets. Les nôtres, auxquels le maire Bourque voue une attention peut-être un peu maladive, contiennent, pour l’essentiel, des restants de table. Et il y a ceux des Russes, qui contiennent des restants de bombes.

Dans son infinie vocation pour la paix mondiale, le «toujours plus meilleur pays du monde» a accepté de devenir la terre d’asile du plutonium (le MOX pour parler en physicien) des bombes nucléaires autrefois soviétiques, détruites dans les accords de détente nucléaire entre Russes et Américains.

Ça, c’est de la vidange! Et ça passera près de chez vous, sur la Voie maritime du Saint-Laurent, en direction de l’Ontario, où le tout sera récupéré et transformé en combustible pour les centrales nucléaires ontariennes.

La nouvelle est presque passée inaperçue, mais la CUM vient de charger sa Commission en environnement de lui trouver les arguments nécessaires afin de s’opposer à ce que le Saint-Laurent en face de Montréal devienne une autoroute radioactive. Bientôt, la Commission devrait annoncer des audiences publiques sur la question.

La nouvelle est passée presque inaperçue. Les déchets nucléaires itou, puisque les autorités fédérales (Affaires étrangères et militaires) n’attendent plus maintenant que d’accueillir le premier bateau.

À voir le nombre croissant de rafiots qui s’accrochent le fond de cale sur un Saint-Laurent toujours plus à sec, qui sait, après la truite arc-en-ciel, la perchaude glow-in-the-dark? À suivre.