Société

La publicité de Molson : Ô Canada!

Le nationalisme canadien se pète les bretelles ces temps-ci. La cause? Une pub de bière. Oui, monsieur.

Croyez-le ou non, un vent de nationalisme souffle sur le reste du pays. Et Sheila Copps et ses drapeaux n’y sont pour rien. Ce regain de fierté canadian est dû à la popularité imprévisible d’une publicité pour la bière Molson. On pourrait dire que c’est l’équivalent du très québécois «On est six millions…» de Labatt.
Le point de départ de cette pub de soixante secondes: les clichés qu’entretiennent nos voisins du Sud à l’endroit des Canadiens.
Un petit voyage dans le Sud des États-Unis vous le confirmera, un nombre surprenant d’Américains croient encore que le Canada est une vaste étendue de glace peuplée d’Esquimaux vivant sous l’igloo.
La campagne, intitulée I am Canadian, rit de cette perception. Elle met en vedette Joe, un Canadien «ordinaire» vêtu d’une chemise à carreaux comme celle que portent les bûcherons (premier cliché). Debout devant un micro, Joe fait des blagues sur les igloos et les traîneaux tirés par des chiens. Il insiste: «Je ne suis pas un bûcheron et je ne vis pas de la traite des fourrures. Non, je ne connais pas Jimmy, Suzy ou Sally, qui vivent au Canada, mais je suis persuadé qu’ils sont très gentils.» Il passe ainsi en revue chaque lieu commun à propos du Canada pour terminer par un triomphal «I am Canadian». À ce moment-là, la foule est en délire. La pub est diffusée dans les cinémas, les bars et les arénas à travers le pays et chaque fois, c’est le délire. Il y aurait même des ovations debout!
Le succès est tel que Molson a décidé d’organiser des performances live avant les parties de hockey, question de réchauffer la foule. On ne peut malheureusement pas les voir à la télévision puisque La Soirée du hockey est commanditée par la brasserie Labatt.
Par contre, vous pouvez visiter le site Internet dédié à cette publicité (http://www.iam.ca) où vous êtes invité à partager vos propres exemples de préjugés à l’endroit des gentils Canadiens.
Le nationalisme canadien sauvé par une bière? Fallait y penser. On attend la répliqued’Unibroue…

Jacques Villeneuve et les médias
Petit retour sur cette émission que vous avez peut-être manquée si vous vous êtes fié à l’heure à laquelle je l’avais annoncée la semaine dernière. Désolée, mais Radio-Canada a modifié son horaire à cause du hockey, et le journal était déjà sous presse à ce moment. Tout ça pour dire que l’entrevue réalisée par Stéphan Bureau était intéressante sous plusieurs aspects.
Il y a des silences qui en disent long, et ceux de Craig Pollock, patron et ami de Jacques Villeneuve, étaient éloquents. Entre les lignes, on pouvait lire le drame déchirant qui doit se jouer entre les deux hommes. Villeneuve quittera sans doute l’écurie BAR d’ici un an, un geste qui marquera peut-être la fin d’une grande amitié.
L’autre bon moment de télé s’est produit alors que Villeneuve, particulièrement allergique aux entrevues, a appris que l’entretien avec Bureau durerait trente minutes. «Ah non, c’est quinze minutes maximum. Les ingénieurs m’attendent.» Bureau, visiblement contrarié, a remarqué qu’on s’était entendu pour une demi-heure. Villeneuve s’est levé, a disparu derrière une porte, a sans doute engueulé une pauvre attachée de presse avant de revenir, goguenard, prendre sa place devant la caméra. Pas content, le monsieur. Pendant tout ce temps, la caméra roulait et on a décidé de montrer ces images à l’écran. Pas très flatteur pour le pilote, mais pas désastreux non plus. Ceux qui respectent sa pudeur et sa franchise ont sans doute apprécié.
Bref, une bonne heure de télé.
Toutefois, je ne comprends toujours pas que Radio-Canada ait accepté que ce soit Stéphan Bureau qui mène l’entrevue. Présentement, Radio-Canada est la seule télévision qui enquête sur le milieu de la production privée (fraudes, utilisation de prête-noms, etc.), et ces enquêtes sont loin d’être terminées. Comment expliquer alors qu’on accepte d’associer la crédibilité d’un service de nouvelles, incarnée par son chef d’antenne, à une émission produite par le secteur privé (même si le nom de Mtion International n’a jamais été prononcé depuis le début de toute cette saga)? Un lecteur de nouvelles ne doit-il pas avoir les mains libres en tout temps?
J’imagine que ce genre de question pourra être traitée au sein de la nouvelle chaire consacrée à l’éthique dans les médias, créée par l’Université McGill. En attendant, ça peut toujours faire un bon sujet pour l’émission Médias.

Oprah
Les magazines ne se contentent plus de nous vendre des vêtements et des produits de beauté. Aujourd’hui, ils veulent notre bien, dans le bon sens du terme. Après Real Simple, ce mensuel qui voulait nous faire redécouvrir les plaisirs simples du quotidien, c’est au tour d’O de vouloir nous aider à réussir notre vie.
O, c’est pour Oprah Winfrey, sans doute l’un des noms propres les plus rentables aux États-Unis après celui de Martha Stewart.
Le premier numéro de son magazine a été lancé la semaine dernière. C’est une brique de plus à l’édifice érigé à la gloire de la célèbre animatrice qui a aussi son émission quotidienne, son site Internet (Oprah.com), son club de livres et son groupe de discussion. Généreuse, Oprah partage également avec ses disciples les recettes de son chef personnel, les recommandations de son entraîneur personnel ainsi que les conseils de son psy. Comme disent les Anglais: «It’s Oprah’s world, we only live in it.»
Si Martha se fend en quatre pour nous apprendre à embellir notre environnement, Oprah, elle, souhaite embellir notre âme. D’ailleurs, tout au long du magazine, les mots «âme, émotions, amour et inspiration» reviennent comme un leitmotiv. La rubrique financière s’intitule même «L’argent et vos émotions».
La comparaison avec Martha ne s’arrête pas là. Au début d’O, on retrouve un calendrier comme dans le magazine Living de Martha Stewart.
Le 5 du mois, Martha nous rappelle qu’il est temps de planter nos bulbes de tulipes. Oprah nous suggère quant à elle de résoudre quelque chose de difficile afin d’être plus eureuse le lendemain. Le 10, Martha nous dit qu’il est temps de repeindre la clôture. Oprah, elle, affirme que si quelqu’un nous fait de la peine, il faut le lui dire immédiatement, on se sentira mieux. Pas de doute, Oprah et Martha sont comme les deux facettes d’une même médaille.
La seule différence, c’est qu’Oprah est noire. Un détail? Pas vraiment. Pour la première fois dans un magazine grand public, on retrouve des mannequins noirs pour illustrer des reportages de mode ou des reportages (et cela, même s’ils ne portent pas nécessairement sur la discrimination faite aux Noirs). C’est un point positif qui mérite d’être souligné. L’autre aspect intéressant, c’est le statut social d’Oprah Winfrey. Les personnages publics noirs qui ont de l’argent ne sont pas légion aux États-Unis. Or, Winfrey est l’une des Américaines parmi les plus riches et les plus puissantes. Ses pages de shopping personnel en témoignent. Entre une paire de lunettes de soleil à cent soixante-dix dollars US et des escarpins à près de trois cents dollars US, Oprah nous confie qu’elle a craqué pour le collier à chien et la laisse Burberry’s, respectivement quatre-vingt-cinq et cent quarante dollars US. Oprah vient de franchir un autre tabou: les Noirs qui ont de l’argent.
Les Afro-Américaines se reconnaîtront-elles dans cette publication? Oprah pourra-t-elle faire la promotion de la communauté noire sans aliéner ses lectrices blanches? Voilà un enjeu intéressant qu’il faudra surveiller.

Coup d’oeil

Dr. Lucille: The Lucille Teasdale Story
Réalisée par George Mihalka et mettant en vedette Marina Orsini, la biographie du docteur Teasdale est le téléfilm le plus cher de l’histoire de la télévision canadienne. Le critique de télévision du National Post, Dan Brown, l’a visionné et a écrit qu’il s’agissait d’une oeuvre à la fois romantique, mélodramatique, féministe et tragique. Il parle d’une réussite sur le plan éducatif mais pas sur le plan dramatique. Pourquoi? Parce que le réalisateur passe trop vte sur certaines périodes de la vie de la chirurgienne québécoise. Selon lui, ce téléfilm aurait dû être une mini-série. Brown reproche également à Mihalka (qui a réalisé la dernière saison d’Omertà ) de souligner à gros traits les moments plus émotifs. Par ailleurs, le critique dit qu’on a réussi à montrer les côtés les plus sombres du personnage qui n’était pas une sainte mais un être humain complexe aux intentions pas toujours nobles.
La version originale est présentée le dimanche 30 avril à 21 h, sur CTV. En attendant la traduction française, qui sera diffusée l’automne prochain sur TVA.