Société

I am Canadian : Beaver Club

La fameuse pub de Molson dont nous vous parlions la semaine dernière fait encore des siennes. Elle est même citée par Sheila Copps, qui y voit un exemple de culture canadienne!

De passage à Boston lundi dernier, la ministre Sheila Copps a tenté de décrire ce qu’était la culture canadienne à un auditoire formé de journalistes, de spécialistes en relations étrangères et d’officiels du gouvernement américain. «Pour les Canadiens, la culture n’est pas un bien, a-t-elle dit. Ce n’est pas seulement un divertissement, c’est l’expression de l’âme, l’identité de ce que nous sommes.» Pour bien illustrer ses propos, la ministre de Patrimoine Canada n’a pas cité sa campagne du drapeau ni dévoilé les résultats d’une enquête sociologique sur la question. Croyez-le ou non, elle avait dans ses bagages la cassette de la toute dernière campagne publicitaire de Molson, I am Canadian, qu’elle a fait visionner à son auditoire. Le public, paraît-il, a beaucoup apprécié.

Il y a quelques semaines, certains commentateurs canadiens disaient à la blague que le gouvernement Chrétien pourrait embaucher les concepteurs de la pub de Molson pour réaliser les messages gouvernementaux en vue d’un prochain référendum. Une éventualité qui semble de moins en moins farfelue…

Une chose est certaine: l’engouement pour cette campagne à saveur nationaliste est loin de diminuer chez nos voisins canadiens. Au contraire. Les grands quotidiens nationaux (National Post et Globe & Mail) en parlent pratiquement tous les jours. Dans l’édition de mardi dernier, le Globe publiait une fausse biographie de Joe McConachie (ce personnage de Canadien ordinaire interprété par le comédien Jeff Douglas). Né à Fort St-John, une ville du Nord de la Colombie-Britannique en 1970 (il a donc trente ans, l’âge moyen ciblé par Molson), Joe a grandi à Edmonton avec ses parents et ses deux soeurs. Il est ingénieur, sort avec une Québécoise, a étudié aux États-Unis et vote libéral. Un Canadien ordinaire, quoi. À quand une sitcom sur Joe et sa famille?

En attendant, et c’était à prévoir, plusieurs parodies de la pub de Molson circulent sur le Net, dont celle-ci: I am not a Canadian. Vous recnnaissez-vous? En voici un extrait: «I’m not unemployed, or smuggling cigarettes across the border. I don’t eat Pepsi and May West for breakfast. (…) I believe in distinct society as long as someone else pays for it. And calisse I believe Club Supersex is an appropriate place for my wife and me to celebrate our anniversaire. Je m’appelle Guy and I’m not a Canadien. Mautadit-tabarnack-esti. Thank-you goodbye everybody.» (La parodie a été conçue par les animateurs de l’émission Humble Howard and Fred Morning Show, diffusée sur les ondes d’Edge 102, à Ottawa). On peut écouter la version intégrale à l’adresse suivante:www.pssst.qc.ca

Une petite note, en terminant: la semaine dernière, j’écrivais que la soirée du hockey était commanditée par la brasserie Labatt. Je parlais évidemment de la version anglaise de cette noble émission, Hockey Night in Canada.

La feuille d’érable
Parlant de sentiment nationaliste: depuis le dernier référendum, la ministre Sheila Copps a dépensé beaucoup d’argent pour étamper la feuille d’érable partout où elle le pouvait, par exemple au générique des films et émissions de télévision financés par Téléfilm Canada ou par le Fonds canadien pour la télévision. Elle a également distribué des milliers de drapeaux canadiens à travers le pays.

On a souvent ri de ses efforts mais certaines personnes ne trouvent pas les campagnes de madame Copps très drôles.

C’est le cas de Jean-Francois Lisée, écrivain et ex-conseiller du premier ministre Bouchard. Invité à prendre la parole lors d’un déjeuner-causerie organisé par le Publicité-club de Montréal la semaine dernière (le thème: La publicité gouvernementale est-elle de la propagande?), monsieur Lisée a affirmé que les campagnes de Sheila Copps avaient bel et bien un impact. Dans Sortie de secours, son dernier livre, il écrit d’ailleurs:
«Début 1996, le gouvernement fédéral a décidé de mettre tout le poids de son appareil politique et commercial au service d’une expérience sociopolitique inédite: renverser la tendance identitaire au Québec, faire reculer le sentiment d’identité québécoise, faire renaître de ses cendres le sentiment d’identité canadienne, afin de réduire le vote souverainiste.(…) On peut conclure à l’efficacité générale de l’opération identitaire fédérale puisque le sentiment d’identité québécoise a cessé sa progression et s’est stabilisé chez les francophones depuis 1997 autour de 57 à 60 %, donc en repli par rapport à la situation qui prévalait au début de la décennie. Il est trop tôt our tirer une conclusion définitive mais tout indique que, grâce à l’ensemble de son oeuvre postréférendaire, Ottawa a réussi à mettre un cran d’arrêt au développement de l’identité québécoise.»

La question est la suivante: qui va redorer le blason québécois? Ou plutôt: quoi? Une pub de bière, comme dans le ROC? Une pub des Producteurs de lait du Québec (imaginez Lucien Bouchard sur fond blanc reprenant les grands succès de Gilles Vigneault)? À moins qu’on ne ravive la flamme nationaliste avec une bonne vieille pub de chars (Tasse-toé Johnny)? Les paris sont ouverts. Si vous avez des suggestions, écrivez-moi à l’adresse suivante: [email protected]

Débranché
Le journaliste Jean-Hugues Roy quitte l’animation du magazine Branché. À compter de la fin mai, il se joindra à l’équipe d’affaires publiques de l’émission Montréal Ce Soir où il couvrira, entre autres, le secteur des nouvelles technologies. «C’est un retour aux sources, je reviens aux affaires publiques comme à l’époque où j’étais journaliste à Voir», dit-il.

L’excellente émission Branché ne disparaît pas pour autant. Plus tôt cette année, Radio-Canada avait annoncé qu’elle continuait à produire le magazine qui sera diffusé sur Télé-Québec et RDI. Branché sera animé par la journaliste Annie Hudon qui collaborait déjà à l’émission.

Salut Bonjour$$$
«Nous interrompons cette publicité pour vous présenter… une publicité.» Si ça continue, c’est ce qu’on risque d’entendre à l’émission matinale Salut Bonjour! sur TVA, une des productions les plus commanditées de l’histoire de notre télé. Dans le dernier numéro de la revue Infopresse, la journaliste Isabelle Massé s’est appliquée à décortiquer l’émission de trois heures.

Au total, Salut Bonjour! compte quinze commanditaires, et un téléspectateur qui regarderait toute l’émission serait exposé à douze pauses publicitaires totalisant quarante minutes quinze secondes.

Prenons a tranche comprise entre 7 h et 8 h de l’émission du 16 mars 2000, analysée par la journaliste. On y dénombre pas moins de onze commanditaires différents qui sont mentionnés vingt fois. Et c’est sans compter les trois pauses de trois minutes quinze secondes chacune. La météo, la circulation, même la caricature éditoriale est commanditée! Avis aux intéressés: il resterait même des chroniques à commanditer comme la mode ou le tourisme. «Ce silence vous a été présenté par…»

Ciao Olivero!
La dernière campagne choc de Benetton, mettant en vedette des condamnés à mort américains, a-t-elle signé l’arrêt de mort du célèbre photographe italien Olivero Toscani? Toujours est-il que le manufacturier italien vient de mettre un terme à une relation professionnelle qui durait depuis dix-huit ans. Toscani quitte Benetton ainsi que la direction de Fabrica, lieu de création benettonien en voie de devenir officiellement le département de communication de la célèbre maison italienne. Le photographe, qui est aussi directeur artistique du très laid magazine Talk (cosa succede, Olivero?), a déclaré vouloir s’installer aux États-Unis. À suivre…

Coup d’oeil
La saison télé est pratiquement terminée mais l’équipe de Jamais sans mon livre est présente jusqu’à la fin du mois de mai, toujours à la même case horaire ingrate de 15 h, les dimanches après-midi. Cette semaine, on reçoit l’écrivain français Philippe Djian, auteur du livre-culte 37,2 le matin. Le parolier de Stephan Eicher vient de publier Vers chez les blancs, aux éditions Gallimard, un récit érotico-pornographique qui fait beaucoup de bruit en France. Dimanche 7 mai, 15 h. Radio-Canada.