Le Parti populaire des putes : Filles de joie
Société

Le Parti populaire des putes : Filles de joie

Si tout va bien, un nouveau parti fédéral verra bientôt le jour: le Parti populaire des putes, un mouvement national pour défendre les prostituées. Les prochaines élections se transformeront-elles en partie de plaisir?

Les travailleuses du sexe s’apprêtent à riposter contre la vague d’indignation soulevée en mars dernier par le projet-pilote de déjudiciarisation de la prostitution dans le quartier Centre-Sud. En plus de vouloir arpenter librement les trottoirs, celles qui exercent le plus vieux métier du monde reluquent désormais du côté des allées du pouvoir. Non pas pour raviver certains politiciens ankylosés, mais pour leur voler des votes! Leur nouvelle arme se nomme PPP, pour Parti populaire des putes. Aux prochaines élections fédérales, les Canadiens et Canadiennes pourront probablement voter… red light!
Leur slogan («Pour avoir du fun à la Chambre!») résonnera aux Foufounes électriques le 11 juin lors de l’assemblée de fondation du PPP. Si tout va bien, d’ici quelques semaines, le PPP devrait devenir le premier parti politique du pays à revendiquer les droits des prostitués et le treizième parti canadien. Depuis qu’elle a péniblement essuyé l’échec du projet-pilote de la Ville de Montréal, la Coalition pour les droits des travailleuses et travailleurs du sexe bûche ferme sur ce rejeton.
«C’est Ottawa qui a le pouvoir de déjudiciariser la prostitution et les autres métiers du sexe. Il faut donc agir sur la scène fédérale, explique Marie-Claude Charlebois, porte-parole de la Coalition. Durant les consultations publiques au sujet du projet-pilote de Centre-Sud, les résidants du quartier l’ont répété: selon eux, la solution à la prostitution se trouve dans la modification de la législation. Le PPP représente donc en partie une réponse à leurs doléances.»
Ce printemps, lorsque la grogne populaire s’est violemment élevée contre les filles de joie, c’est toute la cause des prostituées qui a été lourdement ébranlée. «Les citoyens n’ont jamais pris le temps d’écouter notre projet, ils l’ont tout de suite dénoncé, clame la militante. Et nous avons été victimes d’intimidations, de préjugés, de menaces. Tout ce que nous combattons! Ç’a été très difficile. Mais de voir à quel point les mentalités doivent ecore évoluer nous donne envie de lutter plus fort.»

La guerre en dentelles
Le nouveau venu sur l’échiquier politique fait ses premiers pas. En fait, la Coalition recueille actuellement les cent signatures nécessaires pour obtenir officiellement le titre de parti politique. Et le programme électoral du PPP n’est guère plus développé. Le manifeste (qui n’a rien d’un guide à caractère sexuel) repose à ce jour sur trois objectifs: obtenir la possibilité de s’associer et de se syndiquer; mettre fin à la discrimination; exiger des gouvernements une application stricte des lois contre l’exploitation sexuelle. À l’instar du Parti Marijuana (ou du Bloc Pot provincial), le Parti populaire des putes apparaît comme le mouvement d’une seule revendication: décriminaliser la prostitution. Les travailleuses du sexe pourraient alors offrir leurs services sans craindre de recevoir des contraventions, d’être arrêtées, d’être poursuivies en justice ou d’être emprisonnées.
Cela dit, la Chambre des communes ne se transformera pas en joyeux lupanar demain matin. Le PPP risque de ne pas être prêt pour le scrutin fédéral, qui devrait se tenir l’automne prochain. «Nous n’aurons probablement pas réuni les cinquante candidats et les cinquante mille dollars nécessaires pour que le nom du parti apparaisse sur le bulletin de vote. Mais nous espérons être représentés par au moins un candidat», précise Marie-Claude Charlebois, qui donne cinq ans au Parti pour s’organiser. C’est que les travailleuses du sexe ne se rueront pas sur la place publique pour crier haut et fort: «Je m’appelle Sonia, je suis prostituée et je me présente comme députée!»
D’ici là, le PPP tentera de briser le mur du silence entourant la prostitution. «Avant de cogner à la porte des politiciens, nous désirons unir les forces des groupes de prostituées pour développer un important réseau à travers tout le Canada», poursuit-elle. La croisade n’est pas encore commencée, mais un regroupement de Vancouver s’est déjà manifesté. Et une association de oronto pourrait emboîter le pas.
Au Québec, le Parti cherche également des appuis. En ce sens, les récents événements survenus dans Centre-Sud auront eu au moins un résultat positif: éveiller les groupes de femmes à la situation des prostitués. «Suite à cet événement, des femmes ont compris ce que vivent et ce que revendiquent les prostituées. La Fédération des femmes du Québec vient d’ailleurs de s’engager à étudier de plus près la cause de la prostitution dans les deux prochaines années, et elle dénoncera la discrimination envers les prostituées lors de la Marche des femmes.»
Bref, après avoir reçu le pot, les travailleuses du sexe attendent désormais les fleurs.

L’assemblée de fondation du Parti populaire des putes aura lieu le 11 juin aux Foufounes électriques, à compter de 16 heures.
Ce même jour, à 15 h 30, l’Association des résidants du Centre-Sud organise une marche «pour dire non à la prostitution et à la drogue dans le quartier»…
Après-midi chaud en perspective!