Société

Droit de cité : Pierrot et le lotus bleu

«À quoi ça rime? Il y a quelque chose de malsain et de tordu dans les relations entre M. Bourque et la Chine…» – Helen Fotopoulos, conseillère dans l’opposition à l’hôtel de ville de Montréal.

En effet, le mystère s’épaissit autour des péripéties du maire Bourque dans l’empire du Milieu. Non seulement est-il heureux comme un béatifié à l’issue d’un dernier séjour de trois semaines (il souriait comme un bouddha, dixit le maire de Shanghai), mais voilà-t-y pas qu’il nous annonce, un pied encore sur le tarmac, qu’il y retournera dès cet automne.

Un autre voyage, un troisième en quelques mois, ce qui porte sa fiche à vie à 22 périples chinois. En fait, Pierre Bourque va avoir passé cette année plus de temps en Chine qu’à Cartierville. Un de ces quatre, il nous reviendra avec un col Mao. Et la vraie recette du riz aux légumes.

Ce n’est pas un secret, l’intérêt du maire pour la Chine est avant tout personnel. Il en a même été promu conseiller en environnement pour la province du Hunan. Il a maintes fois avoué sa fascination pour le pays. On comprend son admiration pour les inventeurs de la poudre à canon, du compas et de la calculatrice, pour les constructeurs de la Muraille de Chine, pour ceux qui ont chassé les Japonais de la Mandchourie, pour ceux qui ont réussi à résoudre la quadrature du cercle en faisant cohabiter le maoïsme et le libéralisme d’Adam Smith.

Mais ceci n’explique pas nécessairement cela. Pourquoi autant de voyages officiels là-bas? Pourquoi pas un peu moins là-bas, et un peu plus ailleurs? On ne le sait trop. Ses carnets de voyages sont évasifs. Des récits de mondanités, des détours dans les pays voisins. Been there, done that. Ça reste plutôt dans le domaine de la pensée magique. On fait ami-ami et on espère que ça va rapporter un jour, des millions même. On ne sait pas quoi, quand, comment, ni des millions de quoi, mais ça rapportera, foi du maire. À moins qu’il n’évoque le service des parcs de la Ville, dont les employés ont passé plus de 530 jours à l’étranger! Et la filière chinoise de l’hôtel de ville mijote sans cesse de nouvelles aventures pour le maire.

L’une des retombées les plus tangibles de ses nombreux voyages aura été les quatre lions de marbre installés au pied des portails chinois, à l’entrée du Chinatown, don du Conseil d’État de la République populaire de Chine à la Ville de Montréal (frais de transport non inclus).

Un agent très spécial
Il y a un an, un sous-comité du Sénat américain dévoilait la plus grosse affaire d’espionnage jamais découverte après que les Soviétiques eurent fait main basse sur les plans de la bombe atomique.

Ainsi, l’Amérique et ses satellites sous son protectorat, dont nous faisons partie, apprenaient que la Chine connaissait dans les plus menus détails chacune des armes stratégiques américaines, dont la très secrète tête nucléaire miniaturisée.

Pendant ce temps, Pierre Bourque accumulait les points Air miles à un rythme effréné entre Montréal et Shanghai, souvent aux frais de la République populaire de Chine, qui n’a pourtant pas la réputation de faire des cadeaux (gratuits) à l’Occident. Si l’on additionne les quatre lions, cela jette un éclairage plutôt intéressant sur les voyages du maire.

Tiens, encore cette fois-ci, le voyage du maire coïncidait avec la visite officielle de Vladimir Poutine en Chine, pour dénoncer le projet de bouclier antimissile des États-Unis, recréant le temps de quelques heures le pire cauchemar des Américains, soit une alliance sino-russe. Comme dans les belles années de la guerre froide.

Toujours la même coïncidence, le régime de Pékin a accentué la répression contre les membres de la secte Falungong – qui est une secte dans le mesure où les disciples de Montignac en constituent une itou. Sur la place Tianan men, les policiers exigeaient des touristes présents d’ouvrir le boîtier de leurs appareils photo pour effacer les clichés d’une opération anti-émeute contre des manifestants en faveur de Falungong.

La répression contre Falungong s’est même insinuée jusqu’au Canada, où l’ambassadeur chinois à Ottawa a mis en garde le peuple canadien de ne pas porter trop attention aux prétentions de cette dangereuse souillure idéologique, au risque de déstabiliser la démocratie canadienne.

Pierre Bourque, un espion? C’est souvent ceux qui ont l’air le plus innocent qui font les meilleurs.

Le commandité
Sérieusement, quelle coïncidence tout de même: chaque visite du maire Bourque en Chine se termine en goulag pour des milliers de Chinois coupables de délit d’opinion.

À moins, bien sûr, qu’il ne s’agisse de la norme, du train-train quotidien, du métro-boulot-dodo de la Chine populaire. C’est ainsi tous les jours, pas seulement ceux où Bourque est en visite.

Sauf que le maire nie lui-même cette hypothèse: on traite bien les gens en Chine, a-t-il juré, répondant aux accusations de mauvais traitements infligés aux ouvriers qui ont bâti le Jardin de Montréal à Shanghai.

«Des journaux ont repris ça afin de m’attaquer», s’est plaint le maire. Faudrait pas se donner trop d’importance, mon vieux. Ce n’est pas vous qu’on attaque ainsi, mais la République populaire de Chine, le commanditaire de vos trips chinois.