Société

Droit de cité : Au fond du Grand Canyon

Sans doute inspiré par le succès populaire de sa Fête des enfants, dimanche, Pierre Bourque a lancé un appel pour l’élargissement de sa peuplade.

Mais il ne semble pas croire à un improbable prochain baby-boom. Et si tant est que le miracle de la nature se produise, il n’aura pas non plus la patience d’attendre que cette trâlée de marmots atteignent l’âge adulte.

Il veut donc que Montréal accueille tout de suite 20 % d’immigrants de plus. C’est ce qu’il a confié au Devoir, pour soutenir, dit-il, la croissance économique du moment, et préparer celle de demain.

Pierre Bourque aura la chance de nous expliquer un peu plus en détail son plan, lors de la Commission parlementaire sur la révision du nombre d’immigrants pour les trois prochaines années, en septembre à Québec.

Mais on peut déjà en tirer une conclusion: à 20 % d’augmentation, le maire a l’ambition modeste. Si demain matin, l’objectif Bourque était atteint, Montréal accueillerait trente-six mille immigrants par année. Trente-six mille, soit la moitié seulement du nombre d’immigrants qui s’établissent à Vancouver (une ville qui a la population du Montréal des années trente), et trois fois moins qu’à Toronto. En fait, Montréal accueille autant d’immigrants que des petites bourgades régionales comme Winnipeg ou Edmonton.

Seulement pour rattraper Toronto, Montréal devrait réajuster son objectif à 200 % d’augmentation. Comme on dit au fond du Grand Canyon, la marche est haute.

Le gouvernement Bouchard, malgré des réticences au sein du Parti québécois, souhaite lui aussi voir augmenter le nombre d’immigrants. C’est une question de démographie, de santé économique et culturelle. Mais depuis que Québec exerce le contrôle sur son immigration, suite à une entente Canada-Québec, la province n’a jamais réussi à atteindre ses objectifs d’immigration.

Cela dit, Pierre Bourque aura beau fixer la barre à des hauteurs stratosphériques, les chances de réussite sont loin d’être garanties. Surtout si le gouvernement du Québec poursuit son actuelle politique de régionalisation de l’immigration: disséminer les immigrants à la grandeur de la province, pour «mieux les intégrer à la réalité culturelle québécoise». On a l’impression que le gouvernement du Québec ne fait pas confiance à Montréal lorsqu’il est question de l’intégration des nouveaux arrivants. Comme si, pour les bonzes de Québec, l’intégration culturelle passait d’abord et avant tout par les gros programmes gouvernementaux, non par le contact quotidien avec les Montréalais.

Pour être au Québec ce que New York est pour les États-Unis ou ce que Paris représente pour la France (c’est-à-dire l’épicentre d’une collectivité forte et signifiante), Montréal a besoin d’un plus grand nombre d’immigrants. Aux États-Unis, les immigrants ne débarquent pas dans les pâturages du Vermont, mais à Boston, à New York… Ils iront peut-être un jour s’établir au Vermont, mais seulement dans X nombre d’années, lorsqu’ils ne seront plus des immigrants. Je ne sais pas pourquoi c’est comme ça, mais c’est comme ça.

Tant et aussi longtemps que le gouvernement Bouchard n’augmentera pas de fa(on marquée le nombre d’immigrants à Montréal, le Québec ne sera qu’une sorte d’Iowa, un satellite de l’Ontario et de sa métropole, Toronto.

Compte-gouttes

Eh! Vous. Oui, oui, vous, le Montréalais type qui vivez dans un quatre et demi de Rosemont, au troisième étage. S’il n’en tenait qu’aux jeunes libéraux, on vous flanquerait un compteur après le robinet.

C’est que vous êtes gaspilleux. Ce sont les jeunes libéraux qui l’ont dit. Et pour vous corriger une fois pour toutes, ils vous factureraient la consommation à la goutte près. Leur chef, un certain Jean Charest, a endossé leur proposition pour les compteurs d’eau résidentiels. Attendez qu’ils prennent le pouvoir. Vous allez l’avoir, la facture!

Dites-moi comment vous faites pour consommer autant d’eau? Deux fois plus que votre contrepartie à Toronto! Le Torontois a une piscine, une pelouse de trente-deux mille pieds carrés à irriguer tous les soirs, et un driveway à arroser tous les samedis après-midi. Et pourtant, il consomme moins.

Je le sais, de toutes les grandes villes, Montréal a le système d’approvisionnement en eau le moins coûteux et le plus simple au monde: on flanque un tuyau en haut des rapides de Lachine (où, paraît-il, l’eau se boit à même le fleuve); on fait descendre l’eau par gravité jusqu’à une usine de traitement; on traite le tout par une cure sommaire à l’ozone et à l’oxygène, et voilà! Au bout de votre robinet, une eau de qualité égale à celle des Alpes françaises, produite à vingt-deux sous le… mille litres.

Alors, pendant que le reste du Québec boit une eau de qualité douteuse, faute d’inspection; que les agriculteurs ont obtenu une charte du droit de produire (et par conséquent, de polluer); que 40 % de l’eau de Montréal fuit par les brèches de ses vieux tuyaux; et que les industries les plus «hydrovores» sont concentrées ici, un gouvernement libéral, lui, aurait la solution à la gestion de l’eau: des compteurs pour les résidences!

Allez, mon brave, à votre compteur!