L'année des coming out : Le sexe des étoiles
Société

L’année des coming out : Le sexe des étoiles

Surfant sur la houle des coming out, CLAUDE RAJOTTE a lui aussi choisi de parler publiquement de son homosexualité à l’émission Sortie gaie. Analyse de la nouvelle  vague.

Encore un cette semaine. Décidément, le journalisme vit à l’heure des coming out. Jamais ce mot n’aura été autant prononcé, jamais les médias n’auront tant évoqué l’homosexualité des personnalités publiques.

Depuis le début de la nouvelle année, les "sorties du placard" font boule de neige, si bien que les vedettes québécoises abordent sur toutes les tribunes des questions concernant leur orientation sexuelle. Elles le font de la même façon qu’elles parleraient de la cuisson des aubergines ou des nouvelles orientations d’un ministère. La visibilité des Pinard, Boisclair et Fugère aura servi à poser un regard sur les personnes de même sexe s’aimant, partageant les mêmes soucis, le même lit et un seul réfrigérateur.

"Il semble qu’on soit sur une belle erre d’aller. Avant cette année, ça faisait déjà un certain temps qu’aucune personnalité n’avait fait sa sortie sur la place publique", constate Laurent McCutcheon, président de Gai Écoute et responsable de l’action sociopolitique à la Table de concertation des lesbiennes et des gais du Québec. "Mais depuis que Daniel Pinard a délaissé la garde-robe en mars dernier, les coming out se font en rafale. Je ne sais pas s’il s’agit d’un vent d’entraînement, mais il semble que l’animateur ait lancé une vague de coming out à laquelle personne ne s’attendait vraiment."

Après la sortie de Pinard (dans les deux sens du terme: sortie publique de son homosexualité mais aussi sortie contre certains humoristes) à l’émission Les Francs-Tireurs, celle du ministre André Boisclair dans les pages de Voir et de l’animateur Jean Fugère il y a deux semaines à Sortie gaie, ce sera au tour de Claude Rajotte de parler pour la première fois devant la caméra de son homosexualité lors de l’émission d’André Montmorency, diffusée le vendredi 13 octobre à 19h30 et en rediffusion le même jour à 23h30 à Canal Vie.

"Je suis homosexuel, y déclare en substance le VJ de Musique Plus. Je ne me suis jamais vraiment exprimé sur le sujet car je n’ai jamais vraiment ressenti le besoin de faire un coming out. Demande-t-on aux straights de faire leur coming out? Pourquoi alors les gais devraient-ils le faire?"

"Le raisonnement de Rajotte n’a pas de bon sens, rétorque McCutcheon. Les hétéros n’ont pas à faire de coming out parce que leur orientation sexuelle est implicite. En faisant une telle déclaration, le VJ minimalise la réalité homosexuelle. J’applaudis le fait qu’il sorte du placard, mais qu’il ne nous raconte pas des histoires!"

McCutcheon croit par ailleurs qu’à l’instar des autres sorties médiatiques ayant marqué l’année, le choix de Rajotte de transiger avec la question du placard ne peut que réchauffer la tiédeur ambiante de la communauté homosexuelle autour du coming out. "Je ne me souviens pas d’un moment où les questions entourant le coming out n’aient suscité autant de commentaires, ni déchaîné tant de réactions. Plus que jamais, la question est devenue centrale, passionnelle et explosive."

La journée nationale du coming out
Le vendredi 22 septembre dernier, un homme a ouvert le feu dans un bar gai de Virginie, faisant un mort et six blessés. Sa victime s’appelait Danny Lee Overstreet, un homme de quarante-trois ans. L’assassin, Ronald Gay, a sorti un revolver de son manteau et fait feu à plusieurs reprises. Quelques minutes auparavant, Gay avait déclaré à un pompiste qu’il voulait tuer des homosexuels parce qu’il ne supportait plus de subir des blagues et des allusions au sujet de son nom de famille.

"Si ce tireur fou avait ouvert le feu dans un McDo et plutôt que dans un bar gai, l’histoire aurait fait la page couverture de tous les quotidiens d’Amérique. Mais parce qu’il s’agissait d’un crime visant des homosexuels, la nouvelle a été reléguée aux dernières pages des sections couvrant l’actualité, ou alors complètement étouffée, déplore Patrick Brunette, ancien concurrent de la Course destination Monde et nouveau réalisateur de Sortie gaie. Pour lutter contre ce genre de carnage et de répression, il faut que de plus en plus d’homosexuels fassent leur coming out. Je ne peux que féliciter le geste de Rajotte, parce que l’exemple d’un gai qui décide de ne plus se taire est important pour venir en aide à tous ces hommes et femmes qui vivent difficilement leur homosexualité et qui, en famille ou avec des amis, se retrouvent devant le téléviseur pour constater que leur préférence sexuelle n’est jamais représentée ou fait sans cesse l’objet du ridicule."

C’est également pour de telles raisons que, depuis dix ans, nos voisins du sud ont fait du 11 octobre le National Coming Out Day. Hier, la journée a donné lieu à des centaines de cérémonies aux quatre coins des États-Unis. Pendant vingt-quatre heures, on a tenté de démystifier l’homosexualité via les intercoms des polyvalentes (!), on a combattu la répression contre les gais et les lesbiennes dans une vaste campagne de publicité, et on a organisé des fêtes de tout acabit.

Le coming out est "l’acte le plus fort que l’on puisse réaliser pour transformer l’ignorance en compréhension. Non seulement pour se libérer et développer une confiance en soi, mais aussi pour changer les gens qui vous entourent en les éduquant", a expliqué en conférence de presse Candace Gringrich, porte-parole du Coming Out Day et soeur de l’ex-coqueluche des Républicains, Newt Gingrich.

"Cette année, suite à la sortie de Sinead O’Connor, nous avons reçu des milliers de témoignages de jeunes gais et lesbiennes qui ont ressenti le coming out de la chanteuse comme une véritable libération. Je souhaite que tous les pays du monde trouvent des modèles de lesbiennes et de gais auxquels les jeunes puissent s’identifier…"