Rapace cité : Krash Boursier
Société

Rapace cité : Krash Boursier

Enron, WorldCom, Global Crossing, Tyco, Adelphia, Andersen… Ces noms sont devenus dans l’opinion publique synonymes de mensonges, de fraudes et de cupidité.De façon prévisible, les défenseurs du capitalisme y ont vu le péché ultime, celui contre l’argent et les lois de l’échange. De façon aussi prévisible, les détracteurs du capitalisme y ont vu la preuve renouvelée de la nature frauduleuse et perverse du  système.

Enron, WorldCom, Global Crossing, Tyco, Adelphia, Andersen… Ces noms sont devenus dans l’opinion publique synonymes de mensonges, de fraudes et de cupidité.

De façon prévisible, les défenseurs du capitalisme y ont vu le péché ultime, celui contre l’argent et les lois de l’échange. De façon aussi prévisible, les détracteurs du capitalisme y ont vu la preuve renouvelée de la nature frauduleuse et perverse du système.

Malgré les différences d’analyse, tout le monde semble s’entendre sur une chose: ça ne peut pas continuer comme ça.

Il faut dire que l’effondrement de la bulle des ".com", la quasi-faillite de Nortel et le lessivage de plusieurs caisses de retraite n’ont pas contribué à rendre les gens tolérants. Sans parler des centaines de millions que se sont attribués certains PDG avant de mettre leur compagnie en faillite.

Tout le monde s’entend: des mesures radicales doivent être prises.

Bush le second, entre deux conseils de guerre, jure de s’attaquer aux fraudeurs: de nouvelles lois seront votées; il y aura même des budgets pour les faire appliquer, promet-on! Et, pour faire bonne mesure, des fraudeurs emblématiques sont sacrifiés sur l’autel des médias.

C’est ainsi que Martha Stewart se retrouve menacée de poursuites devant les tribunaux, que des financiers éminents sont promenés menottes aux poings et que des PDG doivent certifier personnellement que les états financiers de leur compagnie sont exacts. Car la chose ne va plus de soi.

* * *

À quoi tout cela rime-t-il vraiment? Suffira-t-il de faire la chasse aux individus corrompus avec une police financière mieux équipée? Suffira-t-il de montrer quelques exemples hyper-médiatisés pour décourager tous les fraudeurs éventuels?

J’en doute.

Car, dans les analyses, on touche rarement aux vraies causes de ces excès. Elles sont pourtant simples: il s’agit d’un mélange largement répandu de cupidité, de rêve et d’auto-aveuglement, conjugué à la volonté chez certains d’exploiter ces faiblesses.

Dans toute bulle spéculative, il y a en effet un mélange de naïveté (la croyance que l’enrichissement facile, ultra-rapide et continu est possible), de rouerie (je sais que ça ne peut pas continuer, mais je vais faire encore un peu plus d’argent pendant que les autres continuent d’y croire) et de refus de voir la réalité (je ne peux pas investir mon argent ailleurs, ça ne paie pas assez).

Les compagnies et les gestionnaires se retrouvent alors sous la pression des investisseurs et de boursicoteurs improvisés: "Si vous ne nous promettez pas du 20 % ou du 30 % de rendement comme le font les autres, je vais vous punir. Je vais vendre vos actions et leur cours va tomber." Dans un premier temps, les compagnies sacrifient alors le développement à long terme au profit du rendement à court terme et elles "rationalisent". Puis, comme le rendement n’est jamais assez élevé, elles ont recours à la comptabilité créative…

Cela n’excuse en rien le comportement irresponsable et criminel de certains dirigeants de compagnies, mais cela met en lumière un fait assez simple, que tout le monde semble pourtant vouloir ignorer: s’il n’y avait pas autant de gens prêts à croire au miracle de l’argent qui se reproduit de lui-même à la Bourse – de l’argent vite gagné, en quantités toujours plus grandes et sans effort -, les bulles spéculatives, et leur cortège de fraudes, seraient plus rares et moins dévastatrices.

Mais il est plus facile de sacrifier des boucs émissaires, surtout quand ils s’adonnent à être coupables, que de mettre en cause la rapacité benoîte et l’ébriété complice de toute une société.