Vox populi : Fantasmes électoraux
Dossier municipal

Vox populi : Fantasmes électoraux

Ils sont braves, ont la langue bien pendue et osent – rien que pour nous – se prononcer sur ce qui les préoccupe. À l’aube du lancement officiel de la campagne, les intervenants culturels font entendre leur voix.

Marc Gourdeau, directeur général et artistique du théâtre Premier Acte

Peut-on penser à une ville dotée d’une réelle politique culturelle et artistique? Celle de Québec date et mériterait une sérieuse mise à jour. Je rêve d’une politique de développement culturel qui soutient réellement la diversité artistique et qui, surtout, ne met pas toujours les retombées économiques des investissements en culture comme priorité et comme critère prépondérant.

Je rêve aussi d’une politique et d’une action culturelles qui évitent les écueils d’un populisme nivelateur, qui considèrent l’art comme fondamental dans toute collectivité et qui ne le perçoivent pas uniquement comme un levier servant à remplir des chambres d’hôtel et des restaurants.

Le milieu culturel et artistique est un écosystème fragile et son développement dépend de la santé de chacune de ses composantes. Bien sûr, la tenue de grands événements rassembleurs contribue au dynamisme et au rayonnement de notre communauté, et c’est très bien ainsi. Le développement culturel ne doit cependant pas se limiter qu’à cela, d’autant plus que ces événements drainent la part du lion des fonds (publics et privés) investis en culture.

Une réelle politique culturelle suppose donc un appui équilibré et équitable de l’ensemble de la diversité culturelle et artistique. Ce serait bien que la campagne électorale municipale de cet automne soit l’occasion d’une réflexion sur le comment et le pourquoi des investissements en arts et en culture.

Michel Côté, directeur général des Musées de la civilisation

La culture est un bien essentiel et le patrimoine, une marque distinctive pour Québec (ville du patrimoine mondial), qui bénéficie de la présence d’institutions muséales majeures. Celles-ci participent au développement urbain, social, mais aussi économique de la ville. Elles sont devenues de véritables lieux de référence pour la population et les touristes, en offrant aux visiteurs des expositions et des programmes culturels tout au long de l’année et en créant de véritables événements (cités dans la presse internationale). Ces institutions font partie d’un réseau international et leurs partenariats se nouent en Europe, dans les Amériques, en Asie. Leurs services ne peuvent être tenus pour acquis et elles ont besoin de l’ensemble de la communauté pour assumer pleinement leur rôle, pour permettre à la population d’avoir accès au savoir. Elles doivent devenir admissibles aux programmes de grands événements et obtenir des appuis leur permettant de planifier leur développement.

En effet, les musées de Québec ne pourraient atteindre leur plein potentiel qu’avec la participation de la Ville dans des projets urbains, économiques, sociaux et culturels. Ainsi, Québec horizon culture aura permis aux Musées de la civilisation de mettre sur pied un programme exemplaire de diffusion culturelle dans des milieux habituellement négligés. Il faut poursuivre cette démarche. Les citoyens en seront les véritables gagnants.

Anne-Marie Olivier, codirectrice générale et directrice artistique du Théâtre du Trident

Le Théâtre du Trident demeure une institution essentielle à Québec et au Québec dont les acquis sont extrêmement fragilisés. Les compressions du fédéral nous obligent à couper des emplois, et ça, moi, je m’y oppose, je refuse. Ce dont le milieu a besoin, ce sont des politiciens qui actionnent les leviers nécessaires afin de consolider nos acquis. Si l’on ne rajuste pas le tir de façon urgente, il y aura un exode de nos artisans. Soutenir la relève, c’est essentiel, mais si l’on ne s’occupe pas de la suite, on remet le problème à plus tard. La Ville fait beaucoup, mais on doit réfléchir ensemble pour y arriver mieux. Personnellement, je vais me battre pour garder ces emplois si essentiels à notre vitalité économique et à notre identité culturelle.

Karl-Emmanuel Picard, diffuseur, promoteur et gérant d’artistes indépendant

Notre merveilleuse ville n’a jamais été aussi submergée par la culture que présentement, mais il lui manque un petit quelque chose… En marge du futur amphithéâtre, l’administration de la ville pourrait voir à la création d’un plus petit lieu de diffusion. Une salle pour tous dédiée aux musiques actuelles qui serait conçue et financée par la Ville de Québec, mais gérée par le privé, soit par des producteurs du milieu ou une association, une formule très présente en Europe. J’imagine une salle professionnelle pouvant recevoir des groupes internationaux tant rock, metal, hip-hop qu’indie, avec une jauge de 1500 places, mais pouvant aussi très bien faire pour une foule de 500 personnes sans nuire à la rentabilité de l’événement. Une salle de qualité pouvant accueillir des artistes renommés, plus rentables, mais qui demeure accessible pour les artistes émergents. J’annexerais à cette salle un studio d’enregistrement, des locaux de répétitions et une cuisine pour les artistes et les spectateurs avant et après les concerts. Cette cuisine permettrait de couvrir certains frais d’exploitation. Il faut miser sur l’emplacement et sur les gens derrière la gestion du lieu. Évidemment, il ne faut pas oublier de consulter les producteurs locaux afin de recueillir leurs idées. Date de livraison: maintenant! 

 

Harold Rhéaume, chorégraphe et directeur artistique de la compagne Le fils d’Adrien danse

J’ai toujours mis l’humain et ma relation avec lui au cœur de mes créations, toutefois je suis un artiste et j’aimerais pouvoir rester intègre dans une période où le financement des arts est de plus en plus destiné à la médiation et le loisir culturel. Ma compagnie a toujours été bien soutenue par la ville de Québec, mais j’aspire à ce qu’un élu ne fasse pas de raccourci en pensant qu’un artiste peut faire n’importe quoi pour rejoindre la population.

Aux détracteurs des grands événements, j’aimerais dire ceci. Je suis un chorégraphe de Québec et j’ai eu le privilège de créer à 2 reprises pour Les Chemins Invisibles du Cirque du Soleil à Québec. J’ai pu constater le nombre impressionnant d’artistes, de personnel de production et  technique d’ici qui ont pu travailler pendant plusieurs mois au sein d’une des plus grandes compagnies québécoises. Cet été la production a accueilli plus de 5 000 spectateurs ravis à chaque soir. Au moins un millier d’autres restaient de l’autre côté de la clôture dans l’espoir d’entrevoir un p’tit bout du spectacle. Quand j’entends dire que les grands événements sont du gaspillage, je ne me sens pas tout à fait respecté.

Pour la communauté de la danse et la vitalité de Saint-Roch, il faut que la future Maison pour la danse soit intégrée dans le développement de la Place technoculturelle Jacques-Cartier. Nous voyons déjà cette maison comme l’arrimage parfait entre arts et technologie. L’invitation est lancée aux prochains élus qui voudront rêver cette place avec nous. Bonne campagne!