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Que dites-vous à cette jeune musulmane?

Lors de mes études en sciences des religions, j’ai suivi un cours avec Marie-Andrée Roy, professeure à l’Université du Québec à Montréal et ancienne présidente du Comité sur les affaires religieuses (qui, soit dit en passant, a été écarté du débat sur la Charte).

Pour mon travail de fin de session, j’ai interviewé une étudiante fréquentant une école secondaire. À l’époque, elle avait 15 ans. Elle est la fille de deux immigrés musulmans qui ont fui un pays qu’ils considéraient répressif et qui désiraient offrir la liberté à leurs enfants.

Selon cette fille, née au Québec, ses parents étaient loin d’être des islamistes, des intégristes ou une menace pour les valeurs québécoises. Au contraire, extrêmement intégrés au Québec, ils vivaient leur religion dans le privé de leur résidence et ne fréquentaient aucune mosquée.

À leur grand désarroi, leur fille décide un jour de porter le voile. On parle du hijab, ce voile qui se porte sur la tête et qui ne couvre pas le visage. Ils ont tout tenté pour l’en dissuader : pour eux, c’est le symbole d’une répression; le symbole de tout ce qu’ils ont voulu fuir lorsqu’ils se sont établis au Québec.

Pour cette jeune fille, le hijab n’était pas un symbole religieux. Pour elle, c’était une façon de se rapprocher de ses origines, de trouver son identité. Les fils et filles d’immigrants ressentent parfois le besoin de renouer avec le pays d’origine de leurs parents. Un peu comme le mal du pays. (Si jamais ça vous intéresse, je pourrais vous en parler dans un prochain texte.)

Pour elle, Québécoise à part entière, née dans cette province, qui croit à l’égalité entre les hommes et les femmes, qui est occidentalisée et se dit musulmane non-pratiquante, le hijab devient un symbole de son identité. Loin d’elle de fraterniser avec des islamistes: elle adore le Québec et est fière de vivre dans un pays où la liberté est prônée.

Je l’ai rencontré en 2005. Aujourd’hui, cette jeune fille est sûrement universitaire, peut-être une infirmière, un futur médecin, ou fonctionnaire. Est-elle une menace pour le Québec? À vous d’en juger.

Je ne sais pas si elle porte toujours le voile. Si elle est pour ou contre la Charte. Mais peut-on l’accuser de prosélytisme, car elle porte le hijab? Peut-on dire qu’elle ne respecte pas les valeurs québécoises, étant elle-même née ici?

Que diriez-vous à cette jeune femme, supposant qu’elle porte encore le voile pour se sentir « entière »?