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J’ai rencontré quelqu’un

Portrait #1: L’Autodidacte

C’est d’abord sa posture qui frappe. Ce vieil italien roule les épaules et avance à petit pas, ce qui donne l’impression qu’il évalue chaque risque avant de mettre un pied devant l’autre. Sa posture en dit long sur l’ampleur de ses connaissances.

Journaliste de profession, il travaille sur son cinquième roman. Impressionnant pour un homme qui n’a jamais mis les pieds dans une école (à l’exception d’une fois, le temps de peinturer les corridors d’une université). En cavale, il étonne les rédacteurs en chefs par la qualité de ses papiers. Ces derniers le questionnent, où a-t-il étudié? A-t-il un cv? La réponse ne varie pas : diplômes égarés entre deux pays. Les rédacteurs n’insistent pas. Le papier est publié, le chèque est signé, basta! Il suffit de gratter un peu pour comprendre que son parcours vaut bien deux ou trois doctorats honoris causa.

Ses parents ont tout perdu pendant la guerre. La famille a survécu en soupant de patates bouillies sous une pincée de sel. À dix ans, il travaille chez le boucher. Sa mère est malade au lit, son père est pris du cœur, il doit faire vivre ses parents. Coupant la viande du matin au soir, il y arrive. Un petit boulot chez le marchand de charbon lui permet de s’acheter du papier et un crayon; il veut savoir lire et écrire. Depuis, il écrit sans fautes. Aujourd’hui, il me questionne sur l’histoire de l’Amérique et de la Chine.

Je rougis. J’imagine que la réponse est restée collée sur la ligne d’un examen. J’ai oublié, mais j’enchaine les A+. Moi, j’ai appris. Lui, il sait. Il sait également écrire en anglais. C’est dans cette langue qu’il publie ses fictions.

Son dernier manuscrit fait 90 000 mots. J’étais fascinée par la texture des mots. Les lettres ne sont pas imprimées, elles gravent le papier. C’est sur la même machine, depuis son premier livre. Il n’a pas beaucoup de sous et c’est volontaire.

Avec un clin d’œil, il dit : « Behind every fortune, there is a crime ». C’est de Balzac, précise-t-il, avant de mentionner Sartre. Est-ce que j’ai lu Lolita de Nabokov? Les Tropiques d’Henri Miller? Il me dit qu’on peut apprendre tout ce que l’on veut si on le veut vraiment, mais pour écrire, il faut lire. Pour développer un style, il faut laisser les classiques modeler notre mémoire, notre manière de raconter une histoire.

Pour écrire, il vit en Australie. C’est là que l’action de son prochain roman se déroule, derrière les bushes de l’Outback. Il étoffe la réalité en basant son histoire sur ceux qui marque sa route. Étonnée, je lui demande : « Et, vous leur dîtes?»  «Jamais, il me tuerait.» C’est peut-être cette peur qui lui pèse sur la nuque. D’où sa posture. Moi non plus, je ne lui dirai pas. La vie m’intéresse.

Aujourd’hui, j’ai 22 ans. Pour faire parvenir souhaits d’anniversaires et autres cadeaux électroniques :

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Pour ceux qui insiste pour m’encourager financièrement, oui, oui, j’avoue… J’ai un compte PayPal! ^^ Mais je le donne pas à n’importe qui, la dernière fois ça a mal fini: j’ai posté mon Iphone en Afrique et j’ai jamais eu les sous. Mais ça, c’est une autre histoire.

Bon et euh, j’ai pas sa photo, mais pour vous prouver qu’il existe, mon écrivain italien, voici ses textos: