Vie

Le Fouvrac : La Bohême

Propriétaire de l’épicerie Le Fouvrac, Marc Doré nous raconte son avenue Laurier et nous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître…

Vendredi matin, 9h. Alors que la plupart des commerces de l’avenue s’éveillent doucement, le comptoir du Fouvrac a déjà servi une abondante clientèle et le magasin ne désemplit pas. Marc Doré, épicier jovial au tablier à l’ancienne, a un mot pour chacun et connaît le prénom de la plupart. Connaissant bien le quartier et ayant pignon sur rue depuis 13 ans, le commerçant est un peu la mémoire de l’avenue Laurier. En arpentant les allées pour dénicher le chocolat de madame ou en servant le café par pelletées à monsieur, il raconte ce coin de Montréal qu’il connaît comme sa poche. "Dans les années 1950, c’était un quartier ouvrier, raconte-t-il. Petit, je n’avais pas le droit d’y venir, c’était mal fréquenté."

LAURIER EST

Difficile de s’imaginer l’avenue, aujourd’hui courue, comme un repaire de malfrats. Pourtant, avant que ne s’y installent le Byblos, Les Entretiens ou La Queue de Cochon, l’est de l’avenue Laurier accueillait une population à revenus modestes, voire défavorisée.

Dans les années 1980, un vent de renouveau souffle sur le Plateau et de jeunes professionnels, artistes et étudiants investissent l’avenue. "Il y avait un climat de confiance bohème et chaleureux, se rappelle Marc Doré. On venait en pyjama, encore endormis, pour acheter du café et on me payait plus tard, après la douche!"

À l’époque, la plupart des clients du Fouvrac étaient du quartier et avaient grandi en même temps que l’avenue. "Puis, j’ai découvert avec les années que beaucoup d’artistes s’installaient ici et que chacun avait sa vie privée…" dit-il en riant.

Au début des années 1990, outre le Fouvrac, l’avenue Laurier comptait peu de commerces. "À part moi, il n’y avait que le Fromentier, La Queue de cochon, le Croissant Doré, le Maître Boucher et quelques dépanneurs." À l’époque, comme dans un village, les commerçants se connaissaient et s’entraidaient. "On avait chacun notre spécialité sans empiéter sur les autres. On ne se faisait pas concurrence, mais aujourd’hui, c’est différent", déplore-t-il.

LAURIER GOURMAND

Pourtant, entre les quelque 200 variétés d’huile d’olive et les 500 marques de chocolat qu’offre Le Fouvrac, la concurrence n’a qu’à bien se tenir! Si le plus souvent, les clients viennent pour le café Agga, produit phare du magasin, rares sont ceux qui résistent à un petit voyage de curiosité au coeur du Fouvrac. Lorsque l’on demande à l’épicier passionné et fou de saveurs quel est le produit le plus inusité que cache sa caverne aux délices, il est lui-même bien incapable de répondre. Il parcourt les rayons, pointant çà et là une confiture aux olives et aux figues, une autre à la mangue et au poivre de Perja, il hésite devant le gingembre cristallisé d’Australie pour enfin arrêter son choix sur de l’huile au café.

LAURIER-VILLAGE

Le temps passe, et les visages changent. "Avant, je reconnaissais les enfants qui jouaient dans la rue. Je savais que celui-ci était le fils de tel client et celui-là, de tel autre. Aujourd’hui, les gens viennent de partout, mais ils aiment tous cette vie de village qui a tout de même été conservée." Selon l’épicier, malgré le changement dans le voisinage, les jeunes familles qui s’agrandissent et déménagent, les nouveaux visages et la population qui vieillit, l’esprit bohème est toujours présent. "Les gens prennent le temps de venir découvrir mes produits, on discute. Ce n’est pas impersonnel, c’est vivant, convivial. C’est ça aussi, Laurier."

Le Fouvrac
1451, avenue Laurier Est
Tél.: 514 522-9993