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Home Staging : Une affaire de spécialistes

Depuis peu, le Québec se met à l’heure du Home Staging. Malgré le côté miraculeux de ses "techniques de vente", il faut relativiser son impact positif sur l’attrait d’un espace. Car à trop vouloir plaire au plus grand nombre, il arrive que l’on retire à certains lieux toute leur âme…

Le Home Staging ne date pas d’hier. Né aux États-Unis il y a une trentaine d’années, il est en train de s’imposer un peu partout dans le monde comme la solution miracle pour vendre sa maison (ou son appartement) plus vite et plus cher! L’idée est simple (et vieille comme le monde): il faut habiller la mariée pour lui donner des allures de princesse. Et tous les moyens sont bons. On repeint, on crée des présentoirs, on place des bibelots, des oeuvres d’art, on ajoute des lumières, des meubles… Selon Luc Dupont, professeur en communications et expert en marketing immobilier à l’université d’Ottawa, ce genre d’intervention peut permettre de vendre son bien immobilier de 10 % à 15 % plus cher que la moyenne du marché. À l’origine, ce sont les agents immobiliers qui s’occupaient de rafraîchir les biens dont ils s’occupaient. Aujourd’hui, on a affaire à des spécialistes comme Debra Gould, diva internationale du Home Staging, qui a fait de nombreux émules depuis dix ans en formant des centaines de personnes à travers le monde.

LES BALBUTIEMENTS DU QUÉBEC

S’il existe aujourd’hui de nombreux spécialistes à Toronto et dans l’Ouest canadien, sans parler des formations et des accréditations, le Québec (comme d’ailleurs l’Europe) s’est ouvert depuis peu au Home Staging. L’agente immobilière France Arcand et la décoratrice Brigitte Poitras font figure de pionnières en la matière. Après avoir fondé leur entreprise, COUP D’OEIL DESIGN, en 2004, elles popularisent le Home Staging, depuis septembre 2006, grâce à leur émission sur Canal Vie, "Bye Bye Maison!" et à leur chronique dans le Journal de Montréal. Le succès des deux animatrices est tel qu’elles offrent désormais une formation. Si on trouve encore peu de spécialistes dans la province (seulement une dizaine figurent dans le registre des entreprises canadiennes, la plupart dans la région de Montréal), les choses risquent donc de changer très vite. D’ailleurs, si le marché immobilier était encore favorable aux vendeurs cette année, les spécialistes prévoient un revirement de situation dès l’an prochain.

QUAND LA MARIÉE N’EST PAS SI BELLE QUE ÇA

Grâce à la mise en scène personnalisée d’Yves Lessard et Manon Rita Babin, on parvient à mettre en valeur l’espace.

Les vendeurs peuvent donc se réjouir, puisqu’il y a toutes les chances qu’ils aient de plus en plus de facilité à trouver des spécialistes en Home Staging. Le seul inconvénient, c’est que, comme il n’existe aucune formation reconnue ni accréditation professionnelle au Québec, rien ne garantira la compétence de ceux qui se diront spécialistes… En outre, aménager un espace pour le rendre plus attrayant dépend du point de vue duquel on se place. L’idée la plus répandue est qu’il faut rendre le bien qu’on veut vendre le plus neutre possible pour plaire à tout le monde. Mais à trop dépersonnaliser un espace, on risque de l’affadir… Au contraire, certains estiment que la meilleure option est de rendre à un lieu tout son caractère. C’est l’avis d’Yves Lessard qui, fort de son expérience en présentation visuelle pour des entreprises comme Fruits & Passion et Christian Dior, s’est associé avec la designer Manon Rita Babin (connue pour ses interventions au Cinéma Impérial, à l’Hôtel Saint-Paul ou au Musée d’art contemporain) pour proposer des services en Home Staging. "Je crois plus à l’efficacité de la mise en valeur du capital architectural d’un espace qu’à sa banalisation", déclare-t-il.

METTRE EN VALEUR LE CAPITAL ARCHITECTURAL D’UN ESPACE

Comme les budgets ne sont pas énormes (1 % à 5 % du prix de vente), le vrai danger du Home Staging traditionnel est d’effacer le caractère particulier d’un lieu. "Certains vont jusqu’à peindre les céramiques qui ne sont plus au goût du jour, et il est commun de voir la couleur des murs passer au beige pour rejoindre le plus grand nombre d’acheteurs", remarque Yves Lessard. À une époque où l’on parle beaucoup de conservation du patrimoine, revendiquer l’uniformisation d’un espace pour plaire à tout le monde est d’un anachronisme navrant. Or, si l’idée n’est pas bien sûr d’engager de gros travaux, il est toujours possible, par de petites astuces, de valoriser une pièce donnée. À titre d’exemple, dans un des appartements où ils sont intervenus, Yves Lessard et Manon Rita Babin ont eu l’idée d’enlever un faux plafond pour révéler la force esthétique d’une poutre en bois brut. Ailleurs, plutôt qu’un éclairage global (comme il est souvent recommandé par les spécialistes), ils vont utiliser un éclairage indirect ou un éclairage ciblé sur une oeuvre d’art ou un beau matériau. "On va chercher des accents, par la couleur, les jeux de lumière et les accessoires, qui vont faire ressortir le caractère unique d’un lieu", résume Yves Lessard.

Manon Rita Babin et Yves Lessard, www.ecolocos.ca
France Arcand et Brigitte Poitras, www.coupdoeildesign.com
Debra Gould, www.sixelements.com