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Quadrilatère Saint-Laurent : Quadrilatère Saint-Laurent: vite fait, bien fait?

Le 10 août dernier, l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) publiait un rapport défavorable sur le nouveau Quadrilatère Saint-Laurent proposé par la Société de développement Angus. On reproche au projet de revitalisation de négliger les aspects architecturaux et patrimoniaux. L’avis de deux experts.

Pour y voir plus clair, Voir s’est entretenu avec Jacques Lachapelle, professeur agrégé à l’École d’architecture de l’Université de Montréal, et Susan D. Bronson, consultante en patrimoine et en aménagement et présidente de l’association Les Amis du boulevard Saint-Laurent.

Dans un monde idéal, quelle forme pourrait prendre la revitalisation d’un secteur comme l’ancien Red Light en matière d’architecture et de design urbain?

Jacques Lachapelle: "Un quartier des spectacles, c’est un lieu qui doit devenir la référence pour tous en matière de sorties culturelles tout au long de l’année. Il n’y a pas grand-chose à faire en matière de design urbain. Seuls les axes de Sainte-Catherine et Saint-Laurent demandent que l’on adopte une vision claire. Par ailleurs, il s’agit juste de recycler certains édifices pour offrir des salles de spectacle et construire seulement où c’est nécessaire. Les consultations publiques nous ont appris, avec surprise, que la Ville veut travailler avec les forces vives du secteur."

Les avis diffèrent énormément quant au projet présenté. D’aucuns parlent d’un manque de vision. Votre avis sur la question ?

J.L.: "D’abord, ce projet banalise ce patrimoine du quartier et de la rue qui doit être inscrit dans la logique de l’ensemble de la rue Saint-Laurent, déclaré lieu historique national par Parcs Canada et qui est dans l’aire de protection du Monument-National. À cet égard, je regrette que la Ville n’ait pas de vision d’avenir pour la rue Saint-Laurent et Sainte-Catherine. Ensuite, il se présente comme faisant partie prenante du Quartier des spectacles, alors qu’il élimine une architecture qui peut servir à des lieux de spectacles de petites dimensions et qu’il n’est pas destiné au milieu culturel. Par ailleurs, le rôle d’Hydro-Québec qui avait déjà élaboré un projet pour le quadrilatère Saint-Laurent-Sainte-Catherine-Saint-Urbain-René-Lévesque est obscur, ce qui est très étonnant de la part d’une société d’État. Et pour finir, je ne comprends pas le rapport formel entre le nouveau et l’ancien."

Susan Bronson: "Le projet de revitalisation dans lequel s’inscrit la construction de ce bâtiment a le potentiel, après certaines modifications, d’être un vrai atout pour Montréal, sur les plans socioculturel, architectural et urbanistique. Le promoteur semble être ouvert et les architectes sont compétents. Le caractère architectural massif, imposant et hermétique du projet préliminaire présenté peut être modifié afin de créer une architecture plus sophistiquée, innovatrice, contemporaine et plus subtilement intégrée à son contexte."

A-t-on réellement pris en considération l’avis des citoyens?

S.B.: "Écoutez, on est dans une période pré-électorale! La pression du temps est une réalité avec laquelle il faut vivre. Je pense que les citoyens et les organismes comprennent bien la complexité de la situation et se sont très bien exprimés sur ce projet à travers le rapport de l’OCPM. Il y a plusieurs suggestions très constructives, plusieurs pistes à explorer. La balle est maintenant dans les mains du promoteur et de la Ville; nous verrons ce qu’ils peuvent faire! "

Les inquiétudes soulevées par ce genre de projets et d’autres comme celui de Devimco à Griffintown quant à l’avenir de Montréal sont-elles légitimes?

J.L.: Même s’il faut avouer que le processus d’acceptation d’un projet, dès qu’il y a dérogation, est assez complexe, il y a plusieurs points qui peuvent nous inquiéter. L’absence de clarté dans la réglementation et certaines contradictions dans le plan d’urbanisme, comme les hauteurs permises sur certains sites où il existe de petits édifices patrimoniaux que l’on dit pourtant vouloir protéger, font la part belle aux initiatives privées malheureuses, d’autant que les dérogations sont monnaie courante. Par ailleurs, l’assujettissement de l’urbanisme au développement économique (le service d’urbanisme est dorénavant étroitement lié au développement économique) entraîne parfois un certain laxisme réglementaire, sans compter qu’il manque à Montréal une vision d’ensemble ou un projet collectif. Pour finir, comme dans le cas de Griffintown, les promoteurs cherchent parfois moins à véritablement innover et à s’inscrire dans le contexte montréalais qu’à y implanter des recettes qui fonctionnent ailleurs."

Information: www.ocpm.qc.ca