Vie

D’après Notman : Balade dans le temps

Avec l’exposition en plein air D’après Notman du Musée McCord, l’artiste torontois Andrzej Maciejewski nous livre un siècle d’évolution de Montréal. Fascinant.

Accoudés à la barrière du belvédère du mont Royal, le regard fixé au loin, ils admirent la vue… à un siècle de distance. Fixés sur la pellicule d’un photographe du studio canadien Notman en 1916, les promeneurs, en haut-de-forme et crinoline, contemplent, sous leurs pieds, les quartiers bourgeois, anglo-protestants, et, au loin, les quartiers ouvriers du Sud-Ouest, misérables. En 2000, tee-shirts et chaussures de sport aux pieds, des sportifs du dimanche auxquels se mêle la foule des touristes sont captés eux aussi, cette fois-ci par l’appareil du photographe torontois d’origine polonaise Andrzej Maciejewski, sur le même belvédère. Devant eux se déploie une tout autre ville. Les clochers, autrefois points culminants, ont été remplacés par les gratte-ciel. La cité de jadis semble avoir été avalée, tout entière écrasée par la modernité. Seul vestige du passé, le pont Victoria résiste au temps et agit comme un rappel de l’époque de la révolution industrielle.

Depuis 2006, le Musée McCord expose chaque année en plein air, sur l’avenue McGill College, des photographies tirées de la collection Notman – 400 000 images issues du travail du plus grand studio photo en Amérique du Nord au 19e siècle. Cette année, l’installation, qui comprend une trentaine de panneaux, s’emploie à nous faire réaliser un véritable bond dans le passé, en confrontant les clichés de deux photographes, le deuxième, Andrzej Maciejewski, ayant reproduit, de manière méticuleuse, l’angle de vue et les conditions (période de l’année, lumière) choisies par le studio Notman, un siècle auparavant. Un ingénieux dispositif, faisant appel à la technologie de l’affiche lenticulaire, permet de visionner l’avant et l’après sur une même image et, du même coup, de mieux saisir l’ampleur et la nature des changements.

Une autre réalité

L’effet est saisissant et relève parfois de la pure poésie, les personnages du passé semblant s’incruster, de manière fantomatique, dans l’architecture présente. Un travail de fourmi, explique Hélène Samson, conservatrice et directrice des archives pour le Musée McCord: "Il a fallu plusieurs années à Maciejewski pour reproduire les photos du studio Notman." De la place Dominion au square Viger, en passant par le Vieux-Port, le travail du studio Notman témoigne d’une autre réalité: "C’était des passionnés d’urbanisme, d’architecture, explique Hélène Samson. En regardant ces images, on réalise à quel point de nombreux pans patrimoniaux de notre histoire ont disparu."

Aussi (re)découvre-t-on à mesure de la promenade que l’avenue McGill College possédait sa synagogue au début du 20e siècle, que l’île Notre-Dame était un lieu de villégiature, et la place Jacques-Cartier, un marché fourmillant. Et de réaliser à quel point le mont Royal, omniprésent sur les clichés du studio Notman, s’est effacé à notre vue. Ces détails de l’histoire (la petite et la grande), le Musée les met à la disposition du public sur son site Internet et, une première, sur l’écran de téléphone des visiteurs, par le biais d’une application très simple à utiliser.