Profession: Sommelier
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Profession: Sommelier

Entretien avec trois visages de la scène vinicole de Montréal.

En pleine effervescence, le métier de sommelier est beaucoup moins hermétique qu’il ne l’a déjà été et jouit aujourd’hui d’une visibilité sans précédent – on pense d’emblée à l’acclamé documentaire de Netflix, Somm. Trois sommeliers nous glissent quelques mots sur les cartes qu’ils signent dans plusieurs établissements estimés de la métropole.

Mélanie Lalonde, sommelière et maître d’hôtel au Mangiafoco et sommelière au Shinji

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Comment t’es-tu initiée au monde du vin?

J’ai d’abord suivi une formation ASP [Attestation de spécialisation professionnelle] en sommellerie donnée par monsieur Don-Jean Léandri, à l’Institut d’Hôtellerie de Laval, en 2010–2011. Nouvellement diplômée, je souhaitais intégrer les notions théoriques par la pratique. Aller passer six mois dans les vignobles de France était pour moi le terrain parfait pour un tel dessein, les vendanges et la vinification animant en moi une grande curiosité. Inspirée de mes rencontres avec des vignerons passionnés qui produisent du vin à plus petite échelle, je suis revenue à Montréal avec l’idée de donner le plus possible de ce que j’y ai reçu.

Comment décrirais-tu les cartes du Mangiafoco et du Shinji?

La carte du Mangiafoco est d’abord italienne. La parcourir, c’est survoler ce magnifique pays, rencontrer ses traditions et ses gens. On y trouve de grands classiques, mais aussi des régions et des cépages autochtones à découvrir. Je choisis des vins de particuliers, c’est-à-dire des vins qui sont, pour moi, faits avec le cœur. Des petits producteurs, souvent familiaux, chez qui les vins reflètent le terroir, la tradition et surtout la passion des gens qui y travaillent. 

Un peu plus d’un an après l’ouverture du Mangiafoco, j’ai eu la chance de m’occuper de la carte des vins du restaurant japonais Shinji. C’est rapidement devenu mon passe-temps préféré! Les portes de mon esprit se sont ouvertes à nouveau sur les vins du monde entier. Plus concise que celle du Mangiafoco, cette carte est en continuelle évolution, toujours inspirée par le chef Shinji Nagai, maître dans son art. Elle déborde elle aussi de découvertes; les vins y sont vivants et vibrants, comme la cuisine de Shinji.

Jean Benoit Hinse, sommelier et directeur du Restaurant Laurea

Qu’est-ce qui caractérise la carte du Laurea?

Selon les arrivages, elle compte environ 250 références et grandit sans cesse. Elle est composée à 75% d’importations privées et à 25% de produits offerts en SAQ. Elle est à 50% française, 25% du reste de l’Europe, 10% du Nouveau Monde, et une place de choix est faite aux vins du Québec et du Canada (environ 15%). Nous sommes vraiment privilégiés, d’abord parce qu’on nous alloue un beau budget pour la cave à vin, mais aussi, et surtout, parce que la cuisine nous permet d’utiliser des vins du monde entier pour nos accords. Dans une même soirée, on peut recommander des vins plus classiques, mais aussi amener les gens à voyager avec un riesling serbe, une syrah d’Israël ou un chardonnay du Québec. Nous pouvons aussi nous considérer chanceux d’avoir une clientèle si avide de suggestions et découvertes… 

Quels sont tes accords de prédilection?

J’aime beaucoup travailler avec les blancs d’Alsace, d’Allemagne, d’Autriche et d’Europe de l’Est pour les plats aux accents asiatiques. Nous avons aussi une panoplie de vins rouges du Rhône, de Grèce et du Liban qui se marient merveilleusement bien aux plats plus épicés d’inspiration moyenne-orientale. Il n’y a pas de limite!

Sindie Goineau, copropriétaire et sommelière des restaurants Chez Victoire et Mimi la Nuit

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Comment adaptes-tu tes cartes pour la clientèle de tes établissements?

La clientèle de Chez Victoire est ouverte à se laisser guider dans la découverte de nouveaux produits ou de cépages et d’appellations moins connues, ce que je trouve très stimulant. Notre carte des vins est constituée à 90% de produits en importation privée; cela me permet d’aller chercher des produits plus rares, de domaines avec une faible production annuelle qui travaillent la vigne de la façon la plus respectueuse de la nature possible. Comme ils arrivent en petits lots, la carte est très dynamique; nous recevons de nouveaux vins presque chaque semaine.

Mimi la Nuit étant une petite boîte de nuit accueillant gourmands, amateurs de bons vins et oiseaux de nuit, il était important de créer une carte des vins avec des produits qui «appellent la soif», qui donnent de l’énergie et qui font plaisir à boire. Bien que la carte soit relativement courte (6 bulles, 12 blancs et 20 rouges), je change la sélection de vins au verre régulièrement, de façon à offrir une belle variété́ en dégustation à nos clients réguliers.

Quels sont tes produits fétiches?

Il y en a tellement! Chez Victoire, je suis contente d’avoir plusieurs références du producteur Nicolas Reau, que j’adore, qui vient d’Anjou en Loire. Autant ses cuvées en blanc (à base de chenin) que ses cuvées en rouge (à base de cabernet franc) sont exécutées, année après année, avec beaucoup de précision, de finesse et de fraîcheur. Une valeur sûre! [Importation privée de l’agence Primavin]

Au Mimi, je suis très fière d’avoir mis la main sur quelques bouteilles de la cuvée Carioca, élaborée par Julie Balagny, à Fleurie dans le Beaujolais. J’ai découvert cette productrice au bar à vin le Verre Volé à Paris, en 2011. Cette jeune vigneronne détient à peine deux hectares de vignes, c’est un grand miracle que ses produits soient disponibles au Québec. Elle produit des gamays très purs, ça se boit tout seul à l’apéro! [Importation privée de l’agence Glou].