Restos / Bars

Jasmin Desharnais : Du thé et des hommes

Les attendus arrivages du printemps sont l’occasion en or de s’entretenir avec Jasmin Desharnais, dégustateur et importateur pour Camellia Sinensis, de thé, de rencontres, de la Chine et… encore de thé.

Jeudi matin. Sur Saint-Joseph, on s’affaire à mille choses. De l’intérieur de la maison Camellia Sinensis, rien n’y paraît. L’endroit, où s’entremêlent effluves de thé, baigne calmement dans son atmosphère ouatée. Attablée devant Jasmin Desharnais, je l’observe faire le thé. Dans un petit récipient posé sur une soucoupe, il couvre les feuilles d’un thé vert chinois, le Hui Ming, d’eau chaude, puis referme avec un couvercle. Quelques instants plus tard, il verse le liquide, en tenant et déplaçant à peine le couvercle, dans des récipients. Une méthode chinoise de faire le thé, appelée dégustation en zhong.

Compliqué, faire du thé? Pas du tout, nous assure le copropriétaire de la maison de thé qui a ouvert ses portes en 2004 à Québec et qui a récemment agrandi en se dotant d’une salle de dégustation et de formation au deuxième étage. Même si l’univers du thé est vaste et le raffinement, infini, la base, elle, est d’une simplicité désarmante: "Il ne faut surtout pas se stresser avec le thé! À la base, faire du thé, c’est mettre de l’eau sur des feuilles… Un filtre dans une tasse fait très bien l’affaire", résume-t-il.

Mais les Occidentaux ont l’esprit pragmatique et veulent tout savoir: la température exacte selon le thé, le degré d’oxydation, la durée du séchage, la type de théière à utiliser… D’où l’approche "occidentale" – comprendre plus "technique" – favorisée par l’équipe de Camellia Sinensis pour la production de son livre Thé: histoire, terroirs, saveurs, publié l’automne dernier. On y détaille, entre autres, le visage de l’industrie des pays visités (dont la Chine, le Japon et l’Inde), les familles et variétés de thé qui y sont cultivées, comment on les transforme, infuse et déguste.

HISTOIRES DE THÉ

Ce qui fait l’unicité de Camellia Sinensis (dont la maison-mère se trouve à Montréal), c’est sans contredit le contact humain avec les producteurs, qui permet d’associer à chaque thé une histoire. Comme ce thé que nous buvons, qui vient de M. He, installé dans la région du Zhejiang en Chine, un des producteurs préférés de Desharnais, qui le connaît depuis huit ans. Grâce à Camellia Sinensis, le thé de M. He a d’ailleurs été certifié biologique par Ecocert en 2009. Pour remercier l’importateur, l’homme l’attendait lors de sa dernière visite avec une immense banderole de bienvenue! "En Chine, explique-t-il, tout est possible, à l’image des proportions démesurées du territoire, ce qui peut donner lieu à des moments assez psychédéliques! Une fois, dans un village, on a même relancé une chute assez gigantesque – qui était normalement détournée par un barrage – pour moi!"

De ces voyages effectués par Jasmin Desharnais et trois autres importateurs dégustateurs de la maison, près de sept tonnes de thés d’une fraîcheur incomparable seront ramenées. Ce qui fait de l’entreprise la seule au Québec et au-delà à offrir presque exclusivement (à 85%) des thés du terroir achetés directement de producteurs artisanaux, et non de grossistes. Avis aux adeptes, les arrivages commenceront à débouler dès cette semaine, jusqu’au début juin. Le 5 juin sera d’ailleurs organisé au Largo un événement "Thé du printemps", où vous pourrez entendre des récits de voyage et déguster les thés nouveaux.

Maison de thé Camellia Sinensis
624, rue Saint-Joseph Est
418 525-0247 / camelliasinensis.com

Thé: histoire, terroirs, saveurs
Rédigé par Jonathan Racine
Éd. de l’Homme, 2009, 269 p.

À découvrir /

Quelques choix de thés, des préférés aux inusités:

Anji Bai Cha: C’est LE thé favori de Jasmin Desharnais. Thé vert chinois, il l’aime pour "son goût particulier, très aromatique".

Wulong noir: Un thé à mi-chemin entre les thés vert et noir, que les palais occidentaux apprécient généralement beaucoup, mais encore trop peu connu. On en trouve des variétés en Chine et à Taiwan.

Pu Er: Thés vieillis, c’est une des seules familles qui "se détériorent de façon positive" – le dégustateur en a déjà goûté un de 1934! Séchés en galette, ils dégagent des effluves de terre. La variété Meng Song, de la région du Yunnan, a été son coup de coeur de l’an 2009 lors de son voyage en Chine.