Vie

Le bronzage : Scène de crème

«Le soleil est rare / Et le bonheur aussi», chantait Gainsbourg. Pour un comme pour l’autre, quand il y en a, on se vautre dedans, souvent sans trop y prendre garde.

Vous vous en doutez sûrement, mais cette idée de se dorer sous les chauds rayons de l’astre solaire nous est venue bien tard, en fait au tout début du siècle. Si, aujourd’hui, bronzage rime avec réussite sociale et santé, nonobstant ce que les dermatologues essaient de nous inculquer, il n’en a pas toujours été de même.

Par les siècles passés, une peau blanche à l’excès était non seulement un critère esthétique prédominant, mais elle rappelait aussi que l’on n’avait pas à gagner sa vie durement sous un soleil de plomb. Avec l’industrialisation et le travail en usine, les teints livides n’ont plus été perçus comme le propre de la classe aisée. Il fallait donc inventer autre chose. Eh bien voilà, si les riches allaient en vacances à la mer, par exemple dans le sud de la France, et en revenaient avec un teint tout ensoleillé, ça ferait sensation non? Cette mode se développa dans les années 20, puis s’étendit quelques décennies plus tard à toutes les classes. Le soleil était devenu le symbole, pour le citadin perdu dans la grisaille, de vacances, de plages à perte de vue et d’activités de plein air.

Mais qu’en est-il aujourd’hui, alors qu’on nous bombarde de reportages sur les méfaits du soleil, du mélanome jusqu’au vieillissement prématuré de la peau? Personne d’entre nous ne voudrait être vu lézardant sans un écran solaire assurant une protection maximale. Ce qui ne nous empêche pas de souhaiter tout de même un hâle léger, pas trop criard, oserions-nous tonitruer «Je risque ma santé pour vous en jeter plein la vue»? Quand même les Mlles Hawaiian Tropic, reines d’un concours de beauté anachronique où les bikinis ont beaucoup de personnalité, arborent un bronzage modéré, c’est que la tendance est là. Ce printemps, plus de visages au teint de petit pain trop doré; des hâles subtils, juste ce qu’il faut pour marquer la différence de nos teints blafards hivernaux.

Rectitude politique oblige, les plus bronzés se vanteront d’utiliser une crème auto-bronzante (pour une fois que le faux est santé), un produit qui se décline maintenant en différentes gammes de hâle, allant de léger à foncé. Qui plus est, il est bien loin le temps où ces produits créaient un hâle strié dans les gammes d’orangé. Quant aux fameuses cabines de bronzage, on ne s’en vantera pas trop puisque, semblerait-il, elles causent aussi des méfaits sur la peau. Certains d’entre nous pratiqueront leurs activités plein air, sportives ou tout simplement de terrasse avec un filtre juste assez bien dosé pour permettre à la peau de se dorer légèrement. «Tiens donc, pourront maintenant dire les bronzés feignant l’innocence, j’ai bronzé par accident!»