Vie

Pistes cyclables : Mettre l'épaule à la route

Tous l’ont remarqué, la mode est au vélo. L’engouement est tellement considérable que les décideurs s’empressent d’aménager des pistes cyclables histoire de se faire aimer. Et, inévitablement, puisque l’on va un peu vite, une multitude de petits problèmes jaillissent…

Cyclistes, plus on vous aménage des pistes, moins on vous tolère sur les voies publiques, pourtant supposées accessibles à tous. La «ghettoïsation» de l’univers des deux roues vous guette.

«Dans les rues, ça fait pitié… Dès qu’on sort du corridor des Cheminots, ce n’est pas terrible.» Administrateur bénévole chez Promo-vélo et membre, entre autres, de Vélo-Québec, Thierry de Brower le constate tous les jours en se déplaçant à bicyclette: des sommes importantes sont investies dans le réseau de pistes cyclables, mais on a un peu oublié que le Québec est déjà tapissé de centaines de kilomètres de chaussées publiques, de routes.

Des automobilistes le rabrouent parfois vertement en lui demandant de libérer le passage et de circuler sur les pistes réservées. Mais ces fameuses pistes, rappelle le mordu du vélo, sont avant tout destinées à la balade, aux activités récréatives. «Pour les "utilitaires", il ne faut pas y penser.» Quand on veut se dépêcher à se rendre au travail, par exemple, on n’a pas le temps de patienter derrière les milliers d’estivants, note M. de Brower.

Étonnement, il se porte en partie à la défense des automobilistes enragés contre les bécanes. «Il y a peut-être un effet pervers aux pistes cyclables.» Maîtres sur les voies qui leur sont réservées, les cyclistes font de moins en moins attention lorsque vient le temps de partager la route. Comme s’ils en avaient l’exclusivité. «Le code de la route, c’est pour tout le monde, fait-il valoir tout en ajoutant qu’en vélo, c’est zéro-zéro, la sécurité.»

D’ailleurs, M. de Brower a soumis le problème à la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ). L’organisme d’État devrait se pencher sur la question à l’automne. Comment faire comprendre tant aux pilotes de bagnoles qu’aux amateurs de deux roues qu’il faut respecter les autres?

Mais, pressé de sensibiliser les élus aux problèmes vécus par les cyclistes, il ne veut pas attendre une action de la SAAQ. «On aimerait inviter nos élus municipaux à venir fire une balade en vélo avec nous!» L’invitation est lancée. M. de Brower et ses collègues veulent leur montrer qu’il y a certes de «bons spots», mais aussi des routes quasi impraticables, voire dangereuses.

Un des maniaques-bénévoles qui luttent aux côtés de M. de Brower chez Promo-vélo, Louis Campagna, aimerait sans doute lui aussi «promener» nos élus. Bien qu’il note une ouverture, sans doute due à la popularité du sport, il en a encore gros sur le coeur.

Tout comme son compagnon, M. Campagna déplore que le vélo ne soit pas vraiment considéré comme un moyen de transport à part entière. Oui aux pistes vouées à la promenade. Mais également aux bécanes en tant que véhicules utilitaires. «Il faut les deux. Il ne faut pas que l’un amène la disparition de l’autre.»

Ce n’est pas tout. «Il y a encore des questions d’aménagement des pistes qui sont à peaufiner… Je ne suis pas certain que les gens qui dessinent [les pistes] roulent sur deux roues.» Courbes raides, signalisation inadéquate… «Ça nuit à la sécurité.»

Le directeur de Vélo-Québec, Jean-François Pronovost, est moins fort sur les réprimandes. Il est vrai que les pistes actuelles sont saturées. Le corridor des Cheminots peut accueillir jusqu’à 5 000 personnes en même temps. Cyclistes, patineurs, marcheurs… s’y côtoient. Tout un melting-pot. «Mais comme ces espaces-là, il n’y en a pas beaucoup, on essaie de les rendre le plus accessible possible.» Bien entendu, si on a le feu au derrière par un beau samedi après-midi, mieux vaut aller voir ailleurs si on y est, admet-il.

Quant à la problématique de la pollution de certaines pistes couchées sur d’anciennes emprises ferroviaires, M. Pronovost ne sait trop quoi en penser. «C’est sûr qu’un chemin de fer est un lieu où il y a eu contamination», reconnaît-il. Mais, à savoir si l’exposition est dangereuse, il laisse le soin aux experts de se prononcer.

13 millions de dollars
À la Communauté urbaine de Québec, le porte-parole, Benoît Jobidon, e peut semble-t-il pas répondre à nos questions en l’absence de l’employé responsable du dossier. Il nous a tout de même transmis des documents datant de 1998 faisant état de retombées économiques évaluées à 13,2 millions de dollars seulement pour le corridor des Cheminots et celui du Littoral.

Dans la région, sept pistes et sentiers cyclables d’envergure sont accessibles. Les principales sont: la piste Jacques-Cartier/Portneuf, 68 km entre Shannon et Rivière-à-Pierre; la piste Dansereau, 16 km longeant la rivière Jacques-Cartier; le corridor des Cheminots, 22 km de Limoilou à Rivière-à-Pierre; le corridor du Littoral, 50 km, dont 10 accessibles pour l’instant, qui reliera la chute Montmorency à Saint-Augustin-de-Desmaures.