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Le sexe à trois, il n’y a rien là!

 

Sperm-egg

Le vote récent du parlement britannique autorisant une technique de reproduction assistée permettant à un enfant d’avoir trois parents. En effet, cette technique permet de remplacer l’ADN mitochondrial anormal de la mère par celui d’une donneuse. L’enfant se retrouve donc ainsi avec 3 parents génétiques. Cette technique soulève des questions éthiques importantes liées aux craintes de l’eugénisme.

Premièrement, il faut savoir que si l’essentiel de notre matériel génétique est contenu dans le noyau de la cellule, il y a tout de même une petite partie qui est conservée à l’extérieur de celui-ci dans d es structures appelées mitochondries. Une seule cellule peut contenir des milliers de mitochondries. Une bonne partie du volume des cellules situées hors du noyau est composé de ces structures de 1 à 10 μm de long par 0,5 à 1 μm de diamètre. Ces dernières agissent littéralement comme des centrales énergétiques des cellules, car sans elles l’oxydation du glucose ne serait pas possible.

La ressemblance morphologique entre les mitochondries et les bactéries n’est pas le fruit du hasard. En effet, les mitochondries sont tout ce qui reste d’une bactérie symbiotique qui a fusionné avec une cellule, il y a de cela 1,7 à 2 milliards d’années. De cette bactérie primitive, la mitochondrie a conservé un ADN propre, indépendant de l’ADN de la cellule. Cependant, celui-ci est maintenant très simplifié et ne contenant que 37 gènes, au lieu de 22 000 du génome humain.

Mitochondria,_mammalian_lung_-_TEM_(2)

Mitochondries des cellules du poumon

Cet ADN a la particularité de se transmettre, à toute fin pratique, que par la mère. En effet, les mitochondries sont quasiment absentes de la tête du spermatozoïde qui participe à la fécondation de l’ovule. De plus, les mitochondries qui restent possèdent une signature biochimique qui fait qu’elles seront détruites après la fécondation. De sorte que seules celles présentes dans l’ovule sont transmises d’une génération à l’autre. Cette propriété est particulière intéressante pour les études en génétique des populations. D’autant plus que le taux de mutation de l’ADN mitochondrial est environ 1000 fois plus élevé que le taux de mutation de l’ADN nucléaire et que celui-ci existe en un nombre beaucoup plus grand de copies dans chaque cellule ce qui le rend plus facile à détecter dans le matériel biologique ancien.

La procédure médicale qui a fait l’objet du débat en Grande-Bretagne consiste à une fertilisation in vitro classique à cette différence près que le noyau l’ovule est transféré dans l’ovule d’une donneuse qui aura été au préalable énucléé. Cela permet de substituer les mitochondries de la mère par celle de la donneuse.  Cette technique a été développée aux États-Unis à la fin des années 90 et a mené à une trentaine de naissances avant qu’elle ne soit interdite par la FDA.

Somme toute, une pratique médicale qui ne vise qu’à remplacer 0,2 % du génome n’aura qu’un impact limité sur la génétique des populations. En effet, c’est l’équivalent de l’impact des gènes d’une arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-grand-mère (une septaïeule). C’est d’ailleurs en partie ce qui a poussé le parlement britannique à adopter une position favorable.

Chose curieuse, l’existence de seulement deux sexes est probablement due à la présence des mitochondries. En effet, du point de vue pratique avoir deux sexes a pour conséquence qu’il n’y a qu’une chance sur deux qu’un individu de la même espèce soit sexuellement compatible, ce qui pose son lot de problèmes pratiques, dont la nécessité de produire au moins deux survivants par génération en moyenne, juste pour maintenir les populations.

Ce n’est toutefois pas un problème pour certaines espèces primitives comme le protozoaire cilié Tetrahymena thermophila, qui possède 7 sexes différents, ce qui donne 21 combinaisons possibles d’accouplement.  L’individu rencontré sera d’un autre sexe 85,7 % des fois. Et que dire du champignon Schizophyllum commune qui est quasiment certain de rencontrer un partenaire compatible avec ses 28 000 sexes!

Si la plupart des espèces se contentent de deux sexes, ce serait parce que c’est la façon la plus efficace d’empêcher les mitochondries de se mélanger en elles. En effet, comme leur taux d’évolution est énormément plus rapide que celle des cellules, elles pourraient évoluer en une forme incompatible avec la survie de cette dernière. En empêchant le mélange des populations de mitochondries avec deux sexes bien séparés, on court-circuite donc les mécanismes de l’évolution.  Pour la même raison, les espèces ayant plusieurs sexes n’échangent pas de mitochondries.

Malgré ces pressions évolutives, certaines espèces semblent fonctionner avec plus de deux sexes. Ainsi, les fourmis d’une variété hybride de Pogonomyrmex rugosus possèdent quatre sexes. Les mâles n’ont qu’un seul parent, car ils sont le produit d’œufs non fertilisés alors que les femelles ont deux parents. Mais, comme il y a deux variétés en présence, les reines qui s’accouplent avec des mâles de leur variété produisent des reines ou des travailleurs si c’est des mâles de l’autre variété.

Comme si la reproduction sexuée n’était déjà pas très compliquée, il existe une forme de parasexualité, et ce même chez les humains. De sorte, que l’arbre généalogique de vos cellules n’est pas aussi simple qu’il pourrait y paraître. En effet, il y a de très fortes probabilités que l’ensemble de vos cellules ne possède pas la même identité génétique.

Ainsi, chez les humains le placenta n’est pas une barrière étanche, de sorte que des cellules souches se déplacent de l’enfant vers la mère et ainsi que dans le chemin inverse. Si la plupart de ces cellules sont éliminées par le système immunitaire, un certain nombre s’établit de façon durable dans l’organisme hôte. Les cellules persistant dans l’organisme de la mère peuvent aussi se transmettre. De sorte, qu’une partie de vos cellules peuvent provenir directement de votre grand-mère ou d’un de vos frères ou sœurs qui vous ont précédé. Pis encore, une simple transfusion sanguine peut aussi transmettre des cellules souches entre les individus.

À méditer, si vous êtes du genre à vous préoccuper de la pureté génétique de votre lignée.