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Changements climatiques : le chaud et le froid

Depuis des semaines, je regarde les prévisions météo à long terme en espérant un réchauffement des températures et je suis toujours déçu. Alors que la température globale bat des records de chaleurs, au Québec, elle bat des records de froid. Il est même probable,  selon mes évaluations, que le mois de février ait été le plus froid depuis 250 ans au Québec. Sans invoquer un châtiment divin punissant les Québécois de tous leurs péchés (on est bon dans six des sept péchés capitaux : orgueil, avarice, envie, luxure, paresse et gourmandise), on est en droit de se demander ce qui se passe. En effet, si l’on connait le moindrement la question des changements climatiques, ce genre de comportements ne discrédite pas la théorie. Cependant, la magnitude de la différence est tellement importante que cela soulève de questions intéressantes.

Dans ce contexte, une publication récente vient apporter un éclairage nouveau. En effet, il n’y a pas que le Québec qui semble résister au réchauffement global, c’est aussi le cas d’une région de l’océan au sud du Groenland, entre Terre-Neuve et l’Irlande. Alors, que le reste du monde se réchauffe cette région se refroidit!

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Tendances des températures depuis 1901 (GISS)

Ce comportement n’est toutefois pas une surprise pour les climatologues. En effet, ce refroidissement local serait dû à un ralentissement de la circulation méridienne de retournement de l’Atlantique (en anglais Atlantic Meridional overturning cirulation, AMOC). Ce courant océanique est mû par la variation de température et de salinité de l’eau de mer (circulation thermohaline). En particulier, l’eau froide et salée près de la cote du Groenland s’enfonce dans l’océan démarrant une grande boucle qui fait le tour de la Terre. Or, en conséquence du réchauffement climatique, l’eau de cette région devient plus chaude et moins salée en raison de l’augmentation des précipitations et de la fonte des glaciers au Groenland. Ceci a pour effet de ralentir la circulation globale et de réduire l’apport de chaleur en provenance des tropiques dans cette région.

Ce qui étonne les climatologues cependant, c’est l’importance de ce ralentissement. En effet, les modèles prédisent un ralentissement modéré de la circulation. Alors, que les résultats récents indiquent plutôt une baisse importante de la vitesse de la circulation océanique, bien au-delà des fluctuations naturelles observées au cours de 1100 dernières années.

Indice de circulation océanique (Rahmstorf et al 2015)
Indice de circulation océanique (Rahmstorf et al 2015)

Il semble que la cause de cette sous-estimation est que la fonte des glaces au Groenland est beaucoup plus rapide que prévue par les modèles, libérant alors plus d’eau douce et ralentissant d’autant plus la circulation thermohaline. En effet, les modèles sont très conservateurs et certains phénomènes comme la fonte des glaciers par leur base, la présence des moulins qui transportent la chaleur rapidement à travers les glaciers et le noircissement de leur surface en raison de la concentration de la poussière sont tous des facteurs qui sont négligés.

Noircissement de la glace au Groenland (Meltfactor)
Noircissement de la glace au Groenland (Dark Snow)

Le lien entre ce refroidissement local et notre hiver très rigoureux n’est toutefois pas si direct. En effet, puisque les modèles climatiques ne prédisent pas un ralentissement aussi rapide de la circulation océanique, ils ne prédisent pas non plus le refroidissement que nous subissons.

Cependant, pressé de questions par les internautes, le climatologue allemand Stephan Rahmstorf a indiqué sur son blogue que cela était plausible. En effet, un ralentissement de la circulation océanique se traduit aussi par un réchauffement de la température de l’eau au large des côtes américaines et un tel réchauffement se traduit par un refroidissement local à l’ouest de celui-ci.  Combiné avec le ralentissement du courant-jet, causé par la réduction de la différence de température entre les pôles et l’équateur, cela pourrait être suffisant pour expliquer pourquoi nous subissons des hivers aussi rigoureux alors que le reste de la planète se réchauffe.

Anomalie de température Hiver 2014-2015 (NOAA)
Anomalie de température Hiver 2014-2015 (NOAA)

Reste à savoir ce que ces observations signifient pour le futur du climat. En effet, un ralentissement important de la circulation thermohaline aurait un impact majeur sur le transfert de chaleur de l’équateur vers les pôles. Les pôles se refroidiraient alors que l’équateur se réchaufferait, ce qui se traduirait par une réorganisation du climat global dont les conséquences seraient considérables.