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Le vaccin contre le VPH pour les garçons, pas si vite!

Cette semaine une recherche produite par une équipe de chercheurs de Toronto a fait le tour du pays. En effet, la conclusion de cette recherche indiquait qu’il serait bénéfique en terme de santé publique d’étendre la vaccination contre le virus du papillome humain (VPH) aux garçons. Au Canada à l’heure actuelle, ce vaccin est offert par tous les gouvernements provinciaux aux filles. L’Alberta et l’Île du Prince- Édouard offrent le vaccin aux garçons et la Nouvelle-Écosse prévoit faire de même l’an prochain.

Il faut savoir qu’il existe plus d’une centaine de variétés de virus du papillome humain dont une quarantaine est transmissible sexuellement. On estime que 75 % de la population adulte sera affectée par une infection au VPH au moins une fois au cours de sa vie. Dans environ 70 % des cas, l’infection disparaitra d’elle-même en moins de deux ans. Cependant, si l’infection persiste elle est associée à un risque accru de cancer.

Cependant, seulement certaines de ces souches sont connues comme étant cancérigènes. Principalement, il s’agit principalement des VPH 16 et VPH 18, mais aussi VPH 31, VPH 33, VPH 35, VPH 39, VPH 45, VPH 51, VPH 52, VPH 56, VPH 58, VPH 58 et VPH 59. Ainsi, une infection à VPH persistante est la principale cause de 99 % des cancers du col utérin, 80 à 90 % des cancers de l’anus, 40 % des cancers du vagin et de la vulve, 40 à 50 % des cancers du pénis, 25 à 35 % des cancers de la bouche.  Quant à elles, les souches VPH 6 et VPH 11 provoquent l’apparition de verrues anogénitales, mais ne causent pas le cancer. L’utilisation d’un vaccin préventif contre le VPH présente donc a priori un intérêt certain en matière de santé publique.

Cependant, à l’heure actuelle, ces vaccins sont chers (500 $ pour 3 doses), ce qui soulève la question de la rentabilité socio-économique de l’opération. En effet, les budgets de santé n’étant pas illimités, il faut se poser la question à savoir s’il ne serait pas mieux d’investir dans d’autres activités médicales.

Afin d’évaluer la pertinence socio-économique de ces vaccins, on doit avoir recours à des modèles mathématiques. En effet, les cancers prenant des décennies à se développer après les infections, il n’est pas possible (et non éthique) d’attendre aussi longtemps afin de valider l’efficacité du vaccin pour la prévention du cancer. On construit ces modèles à partir de l’épidémiologie et de l’étiologie de la maladie afin de prédire les conséquences à long terme d’une campagne de vaccination. Ces modèles tiennent aussi compte de paramètres estimant les coûts de la morbidité et de la  mortalité associés à la maladie. Le modèle résultant peut être passablement complexe et demander de rouler sur un superordinateur afin de produire un résultat en un temps raisonnable.

Ainsi, c’est en se basant sur les prédictions de tels modèles que le Québec et la Colombie-Britannique n’utilisent que seulement deux doses de vaccins, car la troisième dose n’augmente pas suffisamment la protection pour justifier son coût. De même, ce même genre de modèle a été utilisé pour montrer la justification économique associée au surcoût de passer d’un vaccin couvrant quatre types de virus (VPH 16 et 18 ainsi que 6 et 11)  à un vaccin en couvrant neuf (ajout de VPH 31, 33, 45, 52 et 58).

Ce qui est étonnant de l’étude présentée cette semaine est qu’elle arrive à la conclusion que la vaccination des garçons contre le VPH est rentable du point de vue socio-économique. Or, cette conclusion est en contradiction avec les analyses produites par d’autres groupes qui arrivent à la réponse contraire.

Or, il semble que la raison de cette divergence réside dans le fait que la présente étude ne porte que sur la vaccination des garçons en ignorant la vaccination des filles. Or, il s’agit d’une faiblesse majeure comme le fait remarquer Jean-François Laprise, associé de recherche au Centre de recherche du CHU de Québec, qui est un expert de la modélisation de l’épidémiologie du VPH.

En effet, quand une partie importante de la population est vaccinée, il se produit un effet de groupe qui réduit considérablement la propagation du virus. Cette immunité grégaire est causée par le fait que le virus n’arrive pas à trouver des hôtes à infecter, car ceux-ci sont déjà immunisés. De sorte, que les possibilités de transmission de la maladie sont fortement réduites, même pour les gens qui ne sont pas vaccinés.

Dans le cas du VPH, une méta-analyse récente a montré l’existence de cette immunité de groupe dans le cas des VPH 6 et 11, qui causent des verrues anogénitales. Ainsi, la vaccination étendue des filles réduit non seulement l’incidence du VPH chez elles, mais aussi chez les autres femmes qui non pas reçu le vaccin et la population masculine. Or, cette réduction de l’incidence du VPH chez les hommes réduit largement l’intérêt de les vacciner eux aussi.

Immunité de groupe dans le cas de verrues causé par le VPH
Immunité de groupe dans le cas de verrues causées par le VPH

Il s’agit là encore d’un bel exemple de l’importance de lire les conclusions d’une recherche scientifique dans un contexte plus large afin d’en comprendre la portée réelle.

Ajout du 20 avril:

Jean-François Laprise précise:

Une sous-population masculine ne bénéficie pas de la protection indirecte de la vaccination des filles: les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HARSAH), alors que ce sont eux, relativement parlant, qui ont le plus lourd fardeau associé aux VPH chez les hommes. Le vaccin VPH est prophylactique et non thérapeutique. On doit l’administrer avant le début de l’activité sexuelle pour avoir le maximum d’efficacité. Dans ce contexte, il est difficile de vacciner les HARSAH, sans vacciner tous les garçons. Mais même en incluant les HARSAH dans les modèles, il est peu probable que la vaccination des garçons soit rentable économiquement au prix actuel du vaccin. Cependant, les questions d’équité peuvent aussi accroître la volonté de payer des gouvernement pour un tel programme. Mais il faut alors se demander si cette argent ne serait pas plus utile pour une autre intervention plus efficace auprès de cette population, ce qui est aussi une question d’équité.