Prise de tête

Aux futurs ministres de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur

Il y aura bientôt des élections au Québec et personne ne sait donc qui, le lendemain, sera titulaire du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport et qui aura hérité du ministère de l’Enseignement supérieur.

Si on consulte l’actualité la plus récente, il se pourrait que certains sujets, dont nous venons de discuter collectivement, soient à l’ordre du jour, voire à l’agenda ministériel.

Permettez-moi de vous en rappeler quelques-uns.

Les cégeps

Nos cégeps ont 51 ans. Ce sont des institutions originales, sans équivalent ailleurs dans le monde. Ils ont été créés après mûre réflexion par des personnes sérieuses qui ont mis le temps qu’il fallait pour arriver à cette proposition. Cela dit, rien, évidemment, n’oblige à les penser immuables ou éternels.

Le think tank Cirano vient justement, dans une longue et volumineuse étude, de suggérer de les abolir. Leur argumentaire mérite qu’on en discute. Il réfère à un concept généralement honni de bien des gens en éducation, celui de capital humain. Mais la cause vaut la peine d’être entendue et débattue et de l’être sérieusement. (Pour ne rien vous cacher, je suis un fervent défenseur des cégeps…)

Pour cela, il faut prendre le temps qu’il faut, se placer au-delà de la partisanerie dans la perspective du bien commun et convoquer les données probantes pertinentes.

On ne l’a pas vraiment fait avant de juger de cette étude et je crains qu’on ne le fasse pas. Il faudrait pour ce faire se poser des questions difficiles, par exemple sur le fait de payer des étudiants pour venir étudier en région éloignée; sur le rôle, justement, des cégeps en région éloignée; sur la pertinence de la formation commune; sur celle des attestations d’études collégiales; sur les finalités visées par les cégeps; et de très, très nombreuses autres.

On n’a pas pris le temps de le faire.

Les écoles privées

Québec solidaire, de son côté, propose d’éliminer les subventions à l’école privée. Il semble bien y avoir une majorité de personnes en faveur de cette politique.

Mais cette fois encore, elle est lourde de conséquences, à la fois pratiques, politiques, institutionnelles et économiques. Combien cela coûtera-t-il? Que fera-t-on, en pratique, des enfants qui ont entrepris leurs études dans une école privée? Quid des enseignantes qui y travaillent? Et mille autres.

En examinant tout cela sérieusement, qui sait, certaines personnes changeront peut-être finalement d’idée.

Cette fois encore, pressés par l’actualité, on n’a guère eu le temps de le faire. Le débat, ou plutôt ce qui en tient lieu, s’est largement fait entre personnes et institutions ayant un intérêt et restant souvent campées dans leurs positions idéologiques; il leur est donc difficile de se placer dans la perspective qu’il faudrait adopter, qui est celle de penser en fonction du bien commun et d’invoquer froidement les données probantes pertinentes.

Les commissions scolaires

La Coalition Avenir Québec (CAQ), qui pourrait bien former le prochain gouvernement, propose quant à elle d’abolir les commissions scolaires.

Vaste programme, aux implications nombreuses et lourdes, mais qui mérite examen et réflexion. Encore une fois, il a surtout suscité une levée de boucliers idéologiques de personnes ou d’organismes ayant un intérêt (typiquement économique…) pour la question.

D’autres encore…

Je pourrais poursuivre cette énumération.

On parlerait alors du curriculum de l’école québécoise; plus spécifiquement, du cours d’éducation à la sexualité; ou encore du cours ECR (éthique et culture religieuse); on n’oublierait pas la formation des maîtres; le décrochage des enseignant.es; les difficultés rencontrées par certains devant la violence dans les écoles où ils enseignent; des universités; et de bien d’autres sujets encore. Et je n’évoque ici que les sujets abordés, et bien souvent évités, dans l’actualité toute récente.

Qui doit décider de ce qu’il convient de faire?

Pas moi. Pas vous. Encore moins un groupe de pression. Pas non plus les acteurs en place et, j’ose le dire, pas même des gens qui ont le pouvoir de le faire parce qu’ils ont, cette fois-là, remporté des élections.

Une proposition et une promesse

La question de l’éducation est, et je pèse mes mots, vitale. Et cet enjeu absolument fondamental devrait être abordé sans partisanerie et avec une impartialité qui ne se soucie de rien d’autre que de vérité et de justice.

Or, au Québec, l’heure n’est plus aux rapiéçages, aux idéologies, aux approximations ou à la défense d’intérêts particuliers. Elle n’est plus non plus à une réforme conçue dans des officines d’experts autoproclamés – on a déjà donné, merci…

L’heure est à une longue et sérieuse consultation publique menée par des personnes indépendantes éclairées par des données probantes (là où elles existent et sont pertinentes). L’heure est à ce que j’appelle une Commission Parent 2.0 examinant nos structures, nos programmes, nos idéaux et les moyens que nous sommes collectivement disposés à nous donner pour les atteindre.

On raconte que Churchill, quand, depuis Londres, il dirigeait les opérations des alliés durant la Deuxième Guerre mondiale, avait averti toutes les personnes qui devaient lui communiquer des informations qu’elles devaient le faire de manière claire et succincte et qu’il ne lirait pas des documents interminables. On doit en effet parfois pouvoir exposer un argumentaire de manière convaincante, claire et concise.

C’est ce que je m’engage à faire aux personnes qui auront, après l’élection qui s’en vient, hérité du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport et de celui de l’Enseignement supérieur. Donnez-moi une simple demi-heure. J’ai de très nombreux arguments autres que ceux qui précèdent.

Chiche?

Je vous reviendrai là-dessus au lendemain de vos nominations.