Les Sœurs Boulay : Le cœur en petite tenue
Musique

Les Sœurs Boulay : Le cœur en petite tenue

Les Sœurs Boulay évaluent finalement Le poids des confettis, leur premier album.

Bien que le duo folk formé par Mélanie (la brunette) et Stéphanie (la blonde) Boulay semble avoir été catapulté dans la stratosphère depuis sa victoire à l’édition 2012 des Francouvertes (un maxi qui s’est écoulé à plus de 3000 exemplaires, un contrat avec la fameuse étiquette Grosse Boîte, des milliers de jeunes femmes s’époumonant à chanter «des shooters de fort sur ton braaaaaaaaas!» tout en trinquant, etc.), le projet, lui, est en gestation depuis la tendre enfance des sœurs.

Au moment où on s’attendait à souligner toute la candeur émanant des demoiselles sur scène, celle-ci fait place à une pointe de doute, mais surtout à de la détermination lorsqu’elles troquent le microphone contre l’enregistreuse. «On a un peu l’air d’être sorties de nulle part, même si ça fait quand même 10 ans qu’on travaille dans le seul but de vivre de la musique», tranche Stéphanie. «Je n’avais pas de plan B. Je ne me disais pas: “Je vais faire de la musique, pis si ça ne marche pas, je travaillerai dans une cuisine.” Je me disais: “Je vais faire de la musique, sinon je meurs.”» Plus tard, quand, de son propre chef, elle s’écartera en revenant sur «ces années difficiles à “rusher”, à se battre pis à manger des pâtes au beurre», Mélanie, la cadette, la ramènera à l’ordre. «T’es en train de t’égarer!», chantonnera-t-elle, telle une comptine, avant de s’épancher sur l’effervescence entourant la parution de ce premier album.

«On avait peur de reproduire la même affaire», confie-t-elle en faisant référence au maxi réalisé par Éric Goulet (Monsieur Mono, Les Chiens), mais aussi à l’imaginaire qui s’est formé autour des deux sœurs depuis. «On ne voulait pas trop s’éloigner de ce que les gens reconnaissent et aiment de nous, mais en même temps on ne voulait pas se mentir. On est très instinctives, on fait beaucoup confiance à notre feeling. Pourquoi ferait-on différemment? À partir du moment où on a eu cette prise de conscience, on s’est dit: “Advienne que pourra. On va parler avec notre cœur. Ensuite, le monde embarquera ou pas.”»

Parmi ceux qui ont embarqué, justement, on retrouve Kevin Parent.

Jeunesse et appel de reproches

Ami de la famille Boulay depuis des années, l’auteur-compositeur-interprète a littéralement vu grandir les sœurs, autant d’enfants à adultes que de mélomanes à choristes. «À un moment donné, il a appelé pour prendre de mes nouvelles», se rappelle Stéphanie qui, à l’époque, stagnait après un passage essoufflant au sein du département de musique du Cégep de Drummondville. «Quand je lui ai dit que je ne faisais plus de musique, etc., il m’a répondu: “Je n’en reviens pas que tu ne passes pas tout ton temps à faire de la musique. Ça me fait vraiment chier! Je suis vraiment choqué, là!” et ça m’est resté. Une semaine plus tard, je quittais ma jobine!» «À force de jammer avec elle, c’était d’une évidence que c’était une artiste qui devait faire ses propres affaires», justifie Parent lorsqu’on lui rappelle cette conversation. Plus tard, le chanteur allait recruter l’aînée, puis la cadette, à titre de choristes.

«Je ne voulais pas “corrompre” les filles, s’exclame-t-il en rigolant, mais veut veut pas, c’est plus difficile qu’on peut le croire. La balloune d’être star au Québec, c’est ben beau, mais si tu veux gagner ta vie, c’est plus rough.» Des bars aux salles de spectacle, les voix des sœurs – fruit d’années de cours, de concours et de prestations en solo ou avec d’autres groupes – se distinguent suffisamment pour que les Boulay se retrouvent aussi en première partie du grand ténébreux. «Le background était déjà là et elles ont fait leurs devoirs, tranche-t-il. Je ne suis donc pas surpris du tout de les voir rendues là.»

Idem pour Michel Rivard, qui a recruté Stéphanie pour sa plus récente série de concerts.

La passion, la vraie 

«Un jour, j’aimerais chanter avec elle»: c’est ce que Rivard – du haut de sa réputation qui n’est plus à faire et de ses 60 bâtons – a envisagé en croisant la blonde au Festival de Petite-Vallée, puis en collaborant avec elle et Patrice Michaud lors d’un happening au Monument-National. Pendant que Stéphanie Boulay injectait une nouvelle dose de folie au sein du Flybin Band «qui, il ne faut pas se leurrer, est un band de mononcles!», pour reprendre les propos de son leader, la recrue, elle, confirmait son choix de carrière. «Quand tu vois un Michel Rivard qui, après un soundcheck de 90 minutes, manque le souper en groupe pour gratter sa guitare, puis que tu reviens du repas et que tu le retrouves au même endroit à jouer de la guit’ électrique avant un show de deux heures et demie, tu te dis: “Wow! O.K.! C’est ça, faire de la musique! C’est ça, aimer la musique. C’est ça, avoir plus de 40 ans de métier pis ne toujours pas être tanné!»

Se dévoiler à 100%

Conséquemment, c’est bardées d’expériences que les deux sœurs se sont enfermées dans un studio en compagnie de Philippe B pour capter «classiques» – Mappemonde y est, tout comme la fameuse Des shooters de fort sur ton bras – et nouvelles pièces. Bien que les musiques soient (un peu plus) enjolivées, le leitmotiv derrière les mélodies et les textes demeure le même. «On n’aime pas le flafla, ni les games ou les cachettes», tonne Mélanie. Stéphanie de renchérir: «Je travaille à rendre belle la vulnérabilité. C’est ma quête. Je me donne le droit d’être vraie.»

Exit, donc, le misérabilisme à l’eau de rose, tout comme les beaux sentiments romanesques. Alors que, d’un côté, Le poids des confettis collige les femmes de tout âge, de l’autre, il fait grincer des dents salauds et amoureux maladroits. «Tout le monde vit des moments comme ça, des moments poches. Tout le monde essaie de se créer une carapace, d’être fort pour cacher sa vulnérabilité, mais nous sommes tous vulnérables; on a tous des moments où on se trouve cave, on a tous des bébittes. C’est pas plate ni mal d’être vulnérable ou de se sentir tout p’tit», soutient l’aînée. Puis, la cadette de conclure: «Notre musique aussi est fragile, imparfaite et toute nue. On n’essaie pas de camoufler les erreurs en enrobant davantage. Comme avec nos textes, on essaie d’enlever le superflu et de ne garder que l’essence. Je ne sais pas si on y arrive, mais c’est ce qu’on tente de faire.»